« J’ai découvert la voile à mes 16 ans. C’était très tard par rapport aux autres, mais j’ai accroché tout de suite. Un coup de foudre. Je sais pas comment le décrire. La voile c’est un sentiment de liberté incroyable. Tout le processus de préparer son bateau, mettre sa combine, t’es dans un autre état, presque méditatif. Et à Bizerte le plan d’eau est magnifique, on a toujours du vent, et c’est beaucoup d’adrénaline. Après la première année, j’ai rejoint l’équipe de compétition. C’était assez rare d’évoluer aussi rapidement. Mais c’est pas que j’étais talentueuse, je pense juste que j’étais tellement passionnée.

J’ai fait 5 années de compétition. Ma première année j’ai fini avant-dernière, c’était horrible (rires) ! La 2ème année j’avais des objectifs et beaucoup de pression. J’avais progressé mais j’ai pas réussi à les atteindre. Et la 3ème année c’est là où j’ai explosé. J’ai été championne de Tunisie en laser, 4ème mixte et j’ai aussi remporté la coupe en individuelle et en équipage ! Après ça, on m’a donné une place en équipe nationale pour le championnat d’Afrique. C’était aussi les sélections pour les JO. Mon entraineur m’avait pas dit parce qu’il savait que j’allais trop stresser. Mais au final j’ai terminé 8ème donc je n’ai pas été qualifiée.

Puis j’ai arrêté la compétition parce que la pression devenait trop grande et je n’arrivais pas à suivre mes études en parallèle. Cette dernière année j’ai quand même été à nouveau championne de Tunisie, et j’ai décidé de m’arrêter sur ça ! La voile m’a beaucoup appris sur moi-même et sur la vie. Par exemple, je suis de nature très angoissée pour tout, et la voile m’a appris à gérer mes émotions dans des situations de pression. Et j’ai appris que de perdre une manche c’est pas la fin du monde, qu’on peut encore gagner la compétition. Et ça ressemble un peu à la vie ça !

À l’université j’ai étudié le droit international puis je suis venue faire un Master en Suisse. Je n’avais jamais été en Europe, et on m’avait dit que les gens étaient très froids ici. Mais j’ai trouvé les gens chaleureux, et pourtant je suis arrivée en plein COVID. C’était excitant de commencer cette nouvelle aventure. L’uni, les cours, les nouvelles rencontres. Et petit à petit j’ai trouvé ma zone de comfort ici. Quand je suis rentrée en Tunisie en janvier, j’avais l’impression de ne plus appartenir à mon cercle d’amis. C’était bizarre, comme si on avait évolué différemment et qu’on pouvait plus vraiment s’entendre. En 2 ans seulement !

Mais du coup je sais plus vraiment où c’est chez moi. Je me sens à l’aise ici, mais j’ai un peu oublié que j’étais seule. On s’en rend pas compte tout de suite, mais vivre à l’étranger c’est se sentir seule. C’est là que j’ai réalisé que j’étais si bien entourée en Tunisie. Ça me manque toute l’ambiance de là-bas (rires) ! En Tunisie, ma grand-mère et mes trois oncles habitent juste à côté de chez nous. Donc on se voit tout le temps. Ici, les gens sont plus isolés. Mais en Tunisie c’est plus vraiment chez moi non plus. C’est trop bizarre et désagréable comme sentiment. J’avais des potes qui m’en parlaient tout le temps, et je comprenais jamais. Mais maintenant je comprends !

J’ai grandi dans une famille tunisienne ordinaire. J’ai pas un parcours de combattante comme certaines migrantes ! J’ai pu faire ce que j’ai voulu, on m’a jamais dit non pour quelque chose. Cette année, j’ai fait un stage à l’APDH, et en étant confrontée à tous ces parcours, j’ai réalisé combien j’étais privilégiée. Rien qu’en étant tunisienne, je suis privilégiée. Notre révolution a duré 3 semaines. En Syrie ça dure encore, et c’est hyper violent. Y’a plein de cas de figure de la vie qui pourraient jamais m’arriver juste parce que je suis tunisienne. Et je pense qu’une partie de ma confiance en moi vient simplement du fait que je sais que je peux toujours rentrer chez moi. »

Publiée dans le cadre de la mini-série « Des frontières et des femmes », réalisée en partenariat avec l’APDH.

« J’ai découvert la voile à mes 16 ans. C’était très tard par rapport aux autres, mais j’ai accroché tout de suite. Un coup de foudre. Je sais pas comment le décrire. La voile c’est un sentiment de liberté incroyable. Tout le processus de préparer son bateau, mettre sa combine, t’es dans un autre état, presque méditatif. Et à Bizerte le plan d’eau est magnifique, on a toujours du vent, et c’est beaucoup d’adrénaline. Après la première année, j’ai rejoint l’équipe de compétition. C’était assez rare d’évoluer aussi rapidement. Mais c’est pas que j’étais talentueuse, je pense juste que j’étais tellement passionnée.

J’ai fait 5 années de compétition. Ma première année j’ai fini avant-dernière, c’était horrible (rires) ! La 2ème année j’avais des objectifs et beaucoup de pression. J’avais progressé mais j’ai pas réussi à les atteindre. Et la 3ème année c’est là où j’ai explosé. J’ai été championne de Tunisie en laser, 4ème mixte et j’ai aussi remporté la coupe en individuelle et en équipage ! Après ça, on m’a donné une place en équipe nationale pour le championnat d’Afrique. C’était aussi les sélections pour les JO. Mon entraineur m’avait pas dit parce qu’il savait que j’allais trop stresser. Mais au final j’ai terminé 8ème donc je n’ai pas été qualifiée.

Puis j’ai arrêté la compétition parce que la pression devenait trop grande et je n’arrivais pas à suivre mes études en parallèle. Cette dernière année j’ai quand même été à nouveau championne de Tunisie, et j’ai décidé de m’arrêter sur ça ! La voile m’a beaucoup appris sur moi-même et sur la vie. Par exemple, je suis de nature très angoissée pour tout, et la voile m’a appris à gérer mes émotions dans des situations de pression. Et j’ai appris que de perdre une manche c’est pas la fin du monde, qu’on peut encore gagner la compétition. Et ça ressemble un peu à la vie ça !

À l’université j’ai étudié le droit international puis je suis venue faire un Master en Suisse. Je n’avais jamais été en Europe, et on m’avait dit que les gens étaient très froids ici. Mais j’ai trouvé les gens chaleureux, et pourtant je suis arrivée en plein COVID. C’était excitant de commencer cette nouvelle aventure. L’uni, les cours, les nouvelles rencontres. Et petit à petit j’ai trouvé ma zone de comfort ici. Quand je suis rentrée en Tunisie en janvier, j’avais l’impression de ne plus appartenir à mon cercle d’amis. C’était bizarre, comme si on avait évolué différemment et qu’on pouvait plus vraiment s’entendre. En 2 ans seulement !

Mais du coup je sais plus vraiment où c’est chez moi. Je me sens à l’aise ici, mais j’ai un peu oublié que j’étais seule. On s’en rend pas compte tout de suite, mais vivre à l’étranger c’est se sentir seule. C’est là que j’ai réalisé que j’étais si bien entourée en Tunisie. Ça me manque toute l’ambiance de là-bas (rires) ! En Tunisie, ma grand-mère et mes trois oncles habitent juste à côté de chez nous. Donc on se voit tout le temps. Ici, les gens sont plus isolés. Mais en Tunisie c’est plus vraiment chez moi non plus. C’est trop bizarre et désagréable comme sentiment. J’avais des potes qui m’en parlaient tout le temps, et je comprenais jamais. Mais maintenant je comprends !

J’ai grandi dans une famille tunisienne ordinaire. J’ai pas un parcours de combattante comme certaines migrantes ! J’ai pu faire ce que j’ai voulu, on m’a jamais dit non pour quelque chose. Cette année, j’ai fait un stage à l’APDH, et en étant confrontée à tous ces parcours, j’ai réalisé combien j’étais privilégiée. Rien qu’en étant tunisienne, je suis privilégiée. Notre révolution a duré 3 semaines. En Syrie ça dure encore, et c’est hyper violent. Y’a plein de cas de figure de la vie qui pourraient jamais m’arriver juste parce que je suis tunisienne. Et je pense qu’une partie de ma confiance en moi vient simplement du fait que je sais que je peux toujours rentrer chez moi. »

Publiée dans le cadre de la mini-série « Des frontières et des femmes », réalisée en partenariat avec l’APDH.

Publié le: 17 octobre 2022

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« J’ai découvert la voile à mes 16 ans. C’était très tard par rapport aux autres, mais j’ai accroché tout de suite. Un coup de foudre. Je sais pas comment le décrire. La voile c’est un sentiment de liberté incroyable. Tout le processus de préparer son bateau, mettre sa combine, t’es dans un autre état, presque méditatif. Et à Bizerte le plan d’eau est magnifique, on a toujours du vent, et c’est beaucoup d’adrénaline. Après la première année, j’ai rejoint l’équipe de compétition. C’était assez rare d’évoluer aussi rapidement. Mais c’est pas que j’étais talentueuse, je pense juste que j’étais tellement passionnée.

J’ai fait 5 années de compétition. Ma première année j’ai fini avant-dernière, c’était horrible (rires) ! La 2ème année j’avais des objectifs et beaucoup de pression. J’avais progressé mais j’ai pas réussi à les atteindre. Et la 3ème année c’est là où j’ai explosé. J’ai été championne de Tunisie en laser, 4ème mixte et j’ai aussi remporté la coupe en individuelle et en équipage ! Après ça, on m’a donné une place en équipe nationale pour le championnat d’Afrique. C’était aussi les sélections pour les JO. Mon entraineur m’avait pas dit parce qu’il savait que j’allais trop stresser. Mais au final j’ai terminé 8ème donc je n’ai pas été qualifiée.

Puis j’ai arrêté la compétition parce que la pression devenait trop grande et je n’arrivais pas à suivre mes études en parallèle. Cette dernière année j’ai quand même été à nouveau championne de Tunisie, et j’ai décidé de m’arrêter sur ça ! La voile m’a beaucoup appris sur moi-même et sur la vie. Par exemple, je suis de nature très angoissée pour tout, et la voile m’a appris à gérer mes émotions dans des situations de pression. Et j’ai appris que de perdre une manche c’est pas la fin du monde, qu’on peut encore gagner la compétition. Et ça ressemble un peu à la vie ça !

À l’université j’ai étudié le droit international puis je suis venue faire un Master en Suisse. Je n’avais jamais été en Europe, et on m’avait dit que les gens étaient très froids ici. Mais j’ai trouvé les gens chaleureux, et pourtant je suis arrivée en plein COVID. C’était excitant de commencer cette nouvelle aventure. L’uni, les cours, les nouvelles rencontres. Et petit à petit j’ai trouvé ma zone de comfort ici. Quand je suis rentrée en Tunisie en janvier, j’avais l’impression de ne plus appartenir à mon cercle d’amis. C’était bizarre, comme si on avait évolué différemment et qu’on pouvait plus vraiment s’entendre. En 2 ans seulement !

Mais du coup je sais plus vraiment où c’est chez moi. Je me sens à l’aise ici, mais j’ai un peu oublié que j’étais seule. On s’en rend pas compte tout de suite, mais vivre à l’étranger c’est se sentir seule. C’est là que j’ai réalisé que j’étais si bien entourée en Tunisie. Ça me manque toute l’ambiance de là-bas (rires) ! En Tunisie, ma grand-mère et mes trois oncles habitent juste à côté de chez nous. Donc on se voit tout le temps. Ici, les gens sont plus isolés. Mais en Tunisie c’est plus vraiment chez moi non plus. C’est trop bizarre et désagréable comme sentiment. J’avais des potes qui m’en parlaient tout le temps, et je comprenais jamais. Mais maintenant je comprends !

J’ai grandi dans une famille tunisienne ordinaire. J’ai pas un parcours de combattante comme certaines migrantes ! J’ai pu faire ce que j’ai voulu, on m’a jamais dit non pour quelque chose. Cette année, j’ai fait un stage à l’APDH, et en étant confrontée à tous ces parcours, j’ai réalisé combien j’étais privilégiée. Rien qu’en étant tunisienne, je suis privilégiée. Notre révolution a duré 3 semaines. En Syrie ça dure encore, et c’est hyper violent. Y’a plein de cas de figure de la vie qui pourraient jamais m’arriver juste parce que je suis tunisienne. Et je pense qu’une partie de ma confiance en moi vient simplement du fait que je sais que je peux toujours rentrer chez moi. »

Publiée dans le cadre de la mini-série « Des frontières et des femmes », réalisée en partenariat avec l’APDH.

« J’ai découvert la voile à mes 16 ans. C’était très tard par rapport aux autres, mais j’ai accroché tout de suite. Un coup de foudre. Je sais pas comment le décrire. La voile c’est un sentiment de liberté incroyable. Tout le processus de préparer son bateau, mettre sa combine, t’es dans un autre état, presque méditatif. Et à Bizerte le plan d’eau est magnifique, on a toujours du vent, et c’est beaucoup d’adrénaline. Après la première année, j’ai rejoint l’équipe de compétition. C’était assez rare d’évoluer aussi rapidement. Mais c’est pas que j’étais talentueuse, je pense juste que j’étais tellement passionnée.

J’ai fait 5 années de compétition. Ma première année j’ai fini avant-dernière, c’était horrible (rires) ! La 2ème année j’avais des objectifs et beaucoup de pression. J’avais progressé mais j’ai pas réussi à les atteindre. Et la 3ème année c’est là où j’ai explosé. J’ai été championne de Tunisie en laser, 4ème mixte et j’ai aussi remporté la coupe en individuelle et en équipage ! Après ça, on m’a donné une place en équipe nationale pour le championnat d’Afrique. C’était aussi les sélections pour les JO. Mon entraineur m’avait pas dit parce qu’il savait que j’allais trop stresser. Mais au final j’ai terminé 8ème donc je n’ai pas été qualifiée.

Puis j’ai arrêté la compétition parce que la pression devenait trop grande et je n’arrivais pas à suivre mes études en parallèle. Cette dernière année j’ai quand même été à nouveau championne de Tunisie, et j’ai décidé de m’arrêter sur ça ! La voile m’a beaucoup appris sur moi-même et sur la vie. Par exemple, je suis de nature très angoissée pour tout, et la voile m’a appris à gérer mes émotions dans des situations de pression. Et j’ai appris que de perdre une manche c’est pas la fin du monde, qu’on peut encore gagner la compétition. Et ça ressemble un peu à la vie ça !

À l’université j’ai étudié le droit international puis je suis venue faire un Master en Suisse. Je n’avais jamais été en Europe, et on m’avait dit que les gens étaient très froids ici. Mais j’ai trouvé les gens chaleureux, et pourtant je suis arrivée en plein COVID. C’était excitant de commencer cette nouvelle aventure. L’uni, les cours, les nouvelles rencontres. Et petit à petit j’ai trouvé ma zone de comfort ici. Quand je suis rentrée en Tunisie en janvier, j’avais l’impression de ne plus appartenir à mon cercle d’amis. C’était bizarre, comme si on avait évolué différemment et qu’on pouvait plus vraiment s’entendre. En 2 ans seulement !

Mais du coup je sais plus vraiment où c’est chez moi. Je me sens à l’aise ici, mais j’ai un peu oublié que j’étais seule. On s’en rend pas compte tout de suite, mais vivre à l’étranger c’est se sentir seule. C’est là que j’ai réalisé que j’étais si bien entourée en Tunisie. Ça me manque toute l’ambiance de là-bas (rires) ! En Tunisie, ma grand-mère et mes trois oncles habitent juste à côté de chez nous. Donc on se voit tout le temps. Ici, les gens sont plus isolés. Mais en Tunisie c’est plus vraiment chez moi non plus. C’est trop bizarre et désagréable comme sentiment. J’avais des potes qui m’en parlaient tout le temps, et je comprenais jamais. Mais maintenant je comprends !

J’ai grandi dans une famille tunisienne ordinaire. J’ai pas un parcours de combattante comme certaines migrantes ! J’ai pu faire ce que j’ai voulu, on m’a jamais dit non pour quelque chose. Cette année, j’ai fait un stage à l’APDH, et en étant confrontée à tous ces parcours, j’ai réalisé combien j’étais privilégiée. Rien qu’en étant tunisienne, je suis privilégiée. Notre révolution a duré 3 semaines. En Syrie ça dure encore, et c’est hyper violent. Y’a plein de cas de figure de la vie qui pourraient jamais m’arriver juste parce que je suis tunisienne. Et je pense qu’une partie de ma confiance en moi vient simplement du fait que je sais que je peux toujours rentrer chez moi. »

Publiée dans le cadre de la mini-série « Des frontières et des femmes », réalisée en partenariat avec l’APDH.

Publié le: 17 octobre 2022

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