
« Le début de ma vie est assez classique. Je suis arrivée à 18 ans en Espagne depuis l’Equateur, pendant la crise économique de 1999. Comme je n’avais pas de papiers, les premières années ont été difficiles. Il y avait une pression constante de la police d’être expulsée. J’ai été arrêtée une fois, et j’ai passé une nuit en prison. C’était la première et la dernière fois. Je me suis dit : plus jamais ça ! Et depuis je me suis toujours tenue à l’écart de la police. Économiquement aussi c’était difficile. Il m’est arrivé de passer 10 jours à dormir dans un parc à Madrid. Et rapidement j’ai rencontré une fille qui m’a parlé de prostitution. Une histoire classique… Et comme j’aimais le sexe, j’ai voulu essayer. Maintenant ce travail pour moi, il est facile, parce que ça fait des années. Mais au départ c’était dur.
Je ne savais pas comment mettre un préservatif, ni comment faire une fellation. J’avais un peu d’expérience personnelle, mais c’est pas la même chose de le faire avec un inconnu qui t’attire pas. Et quand tu travailles, c’est comme une pièce de théâtre. Tu mets un masque, tu souris et tu dois oublier tes problèmes. C’était difficile d’apprendre tout ça, j’étais très triste. Mais je devais le faire pour pouvoir manger et pour aider ma famille au pays. Je leur envoyais tout l’argent qui me restait. Après un temps, j’ai essayé de trouver un travail normal. Je me suis occupée d’une personne âgée. Ça a été plus traumatisant encore que le travail du sexe. De voir les gens qui n’ont aucune patience avec leurs propres parents … Ça m’a fait mal au cœur. Dès que j’ai pu, j’ai arrêté ce travail et je n’ai plus fait que le travail du sexe.
Au bout de 2 ans, j’ai obtenu mes papiers et je me suis libérée de mes responsabilités économiques envers ma famille. Une nouvelle vie a commencé pour moi. Je me suis dit : maintenant je vais profiter, travailler pour moi, pour mes caprices, mes envies de luxe et mes voyages. Avant c’était : travail, travail, travail. Et depuis c’est : travail, divertissement, sexe et vacances ! Et je voyage pour ce travail. Il y a des clients partout dans le monde pour ça, mon chéri ! Qui n’aime pas le sexe ? Donc pour nous, les escorts, notre corps est notre propre entreprise ! Avec toute mon expérience, je peux te dire que chaque pays, chaque ville a ses propres préférences et habitudes dans le sexe. Si par exemple je voyage en Espagne, je sais dans quelles villes les hommes sont vraiment chauds !
La Suisse c’est le meilleur pays pour exercer ce métier. C’est légal et y’a une bonne sécurité. En France, à l’inverse, c’est interdit donc il faut prendre des risques et c’est très dangereux. En fait, je pourrais faire une analyse du marché du sexe dans le monde (rires) ! Mais tout ça c’est du travail. Il faut se préparer, connaitre la langue et les désirs de chaque pays. Et se transformer dans le fantasme du client. S’il veut que je sois une nonne, alors je deviens une nonne. S’il veut que je sois une grand-mère, je deviens une grand-mère. Ce qu’il désire, je le deviens. Un mensonge pour un mensonge. Et bien-sûr, je peux prendre du plaisir moi aussi. Quand j’étais jeune, je ne pouvais pas choisir mes clients. Mais maintenant j’ai le luxe de pouvoir choisir : toi oui, toi non ! J’aime le sexe dur et long, et sinon, ciao (rires) !
Mais être escort c’est aussi être psychologue. Les personnes te racontent tous leurs problèmes. Parfois je m’assois dans un fauteuil et je prends des notes (rires) ! Avec un client tu ne sais jamais ce qui t’attend. Il peut sembler mignon, mais après il prend de la drogue et il change tout à coup. Au départ, j’avais toujours une crainte avec les nouveaux clients. Maintenant, c’est devenu presque comme un sport. Je me demande : alors qu’est-ce qu’il va faire celui-là ? Comme si j’avais très envie de lire la suite de l’histoire. Je suis devenue addict à ça ! Mais je ne suis pas sans cœur, j’aime aussi donner des conseils. Par exemple, moi je suis passée à travers l’alcool et la drogue. J’ai même failli mourir d’overdose avec un client. J’en sors maintenant, et donc je leur conseille de faire attention avec ça.
Même si je prends du plaisir, ce travail reste pour moi un moyen de gagner de l’argent. Je ne vis pas pour travailler, je travaille d’abord pour vivre. Comme dans un travail normal, j’ai des horaires, je prends mes vacances, je vais au restaurant. Comme tout le monde ! Et il y’a une grande séparation entre ma vie personnelle et mon travail. La nuit, je suis Diabla ! Partout où je vais, j’attire l’attention des hommes, par mes habits, mon parfum, mon corps exubérant. Je suis comme un aimant. Tous mes clients veulent être mon fiancé (rires) ! Et j’aime ça ! Mais quand je ne travaille pas, je suis timide ! Comme tu me vois aujourd’hui, je suis une fille normale, sans maquillage, qui va à la gym et qui écoute de la musique classique. Ce sont deux vies différentes, deux vies parallèles.
J’ai commencé la prostitution très jeune, et ça te marque quand même. Au bout d’un moment, j’ai perdu le sens de ce qui est vrai et ce qui est un mensonge, surtout avec les hommes. Je n’ai pas de relations en dehors du travail. Avec tout ce que j’ai vu, je ne peux plus leur faire confiance. Une fois, j’étais avec un client et sa fiancée a essayé de le joindre. Il lui a écrit : « J’arrive je suis en train de garer la voiture. » Et tout ça pendant qu’il baisait avec moi ! J’en ai vu tellement des choses comme ça… Donc je ne peux plus leur faire confiance. Je suis la femme d’une nuit pour eux. Ils me disent je t’aime, je leur dis je t’aime, ils me paient, et ciao, au suivant ! Plus y’a d’argent et plus y’a d’amour. Et quand l’argent s’arrête, l’amour s’arrête aussi (rires) ! C’est ça la réalité !
Depuis toute petite, j’ai toujours eu une idée claire de la personne que je voulais devenir. Et si cette petite fille me voyait maintenant, elle serait fière parce que je suis devenue exactement cette personne ! Je me fous de ce que pense la société. Ce qui m’importe, c’est ce que je pense moi. La société elle ne me donne pas à manger, elle ne paie pas mes factures. Si je ne travaille pas, je ne mange pas. C’est simple. Je pense à moi et c’est tout. Premièrement moi, deuxièmement moi, troisièmement moi. Écoute, dans la vie on nait seul, et on meurt seul. Mon secret pour être heureuse, c’est d’abord de m’aimer moi-même, m’accepter comme je suis. Il faut être soi-même heureux avant de pouvoir rendre les autres heureux. Si tu commences à dépendre d’autres personnes, tu ne seras jamais toi-même.
À côté de l’escort, je travaille pour l’association Aspasie. J’aide des femmes migrantes comme moi à s’intégrer, et je donne des cours sur le travail du sexe. C’est une des choses qui comptent le plus pour moi. Ça me nourrit, ça me fait grandir. Et récemment, j’ai enfin pu réaliser un rêve d’enfant. Depuis que j’ai 8 ans, je rêvais qu’un jour j’écrirais un livre sur ma vie. Et je viens enfin de le publier ! Il s’intitule « Ponte en mis tacones » [Mets-toi dans mes talons]. C’est ma manière à moi de laisser une trace dans le futur. Mon prochain défi, c’est de devenir une star du porno. Je vais bientôt faire mes premières vidéos. Je suis très curieuse de voir tous ces hommes qui semblent tenir si longtemps dans les films (rires) ! Et je sais que je vais réussir ce défi. Parce que dans ma vie, tout ce que je désire, je finis par l’obtenir. »
Publiée dans le cadre de la mini-série « 90’000 choses dans la tête », réalisée en partenariat avec Aspasie. | Traduit de l’espagnol

« Le début de ma vie est assez classique. Je suis arrivée à 18 ans en Espagne depuis l’Equateur, pendant la crise économique de 1999. Comme je n’avais pas de papiers, les premières années ont été difficiles. Il y avait une pression constante de la police d’être expulsée. J’ai été arrêtée une fois, et j’ai passé une nuit en prison. C’était la première et la dernière fois. Je me suis dit : plus jamais ça ! Et depuis je me suis toujours tenue à l’écart de la police. Économiquement aussi c’était difficile. Il m’est arrivé de passer 10 jours à dormir dans un parc à Madrid. Et rapidement j’ai rencontré une fille qui m’a parlé de prostitution. Une histoire classique… Et comme j’aimais le sexe, j’ai voulu essayer. Maintenant ce travail pour moi, il est facile, parce que ça fait des années. Mais au départ c’était dur.
Je ne savais pas comment mettre un préservatif, ni comment faire une fellation. J’avais un peu d’expérience personnelle, mais c’est pas la même chose de le faire avec un inconnu qui t’attire pas. Et quand tu travailles, c’est comme une pièce de théâtre. Tu mets un masque, tu souris et tu dois oublier tes problèmes. C’était difficile d’apprendre tout ça, j’étais très triste. Mais je devais le faire pour pouvoir manger et pour aider ma famille au pays. Je leur envoyais tout l’argent qui me restait. Après un temps, j’ai essayé de trouver un travail normal. Je me suis occupée d’une personne âgée. Ça a été plus traumatisant encore que le travail du sexe. De voir les gens qui n’ont aucune patience avec leurs propres parents … Ça m’a fait mal au cœur. Dès que j’ai pu, j’ai arrêté ce travail et je n’ai plus fait que le travail du sexe.
Au bout de 2 ans, j’ai obtenu mes papiers et je me suis libérée de mes responsabilités économiques envers ma famille. Une nouvelle vie a commencé pour moi. Je me suis dit : maintenant je vais profiter, travailler pour moi, pour mes caprices, mes envies de luxe et mes voyages. Avant c’était : travail, travail, travail. Et depuis c’est : travail, divertissement, sexe et vacances ! Et je voyage pour ce travail. Il y a des clients partout dans le monde pour ça, mon chéri ! Qui n’aime pas le sexe ? Donc pour nous, les escorts, notre corps est notre propre entreprise ! Avec toute mon expérience, je peux te dire que chaque pays, chaque ville a ses propres préférences et habitudes dans le sexe. Si par exemple je voyage en Espagne, je sais dans quelles villes les hommes sont vraiment chauds !
La Suisse c’est le meilleur pays pour exercer ce métier. C’est légal et y’a une bonne sécurité. En France, à l’inverse, c’est interdit donc il faut prendre des risques et c’est très dangereux. En fait, je pourrais faire une analyse du marché du sexe dans le monde (rires) ! Mais tout ça c’est du travail. Il faut se préparer, connaitre la langue et les désirs de chaque pays. Et se transformer dans le fantasme du client. S’il veut que je sois une nonne, alors je deviens une nonne. S’il veut que je sois une grand-mère, je deviens une grand-mère. Ce qu’il désire, je le deviens. Un mensonge pour un mensonge. Et bien-sûr, je peux prendre du plaisir moi aussi. Quand j’étais jeune, je ne pouvais pas choisir mes clients. Mais maintenant j’ai le luxe de pouvoir choisir : toi oui, toi non ! J’aime le sexe dur et long, et sinon, ciao (rires) !
Mais être escort c’est aussi être psychologue. Les personnes te racontent tous leurs problèmes. Parfois je m’assois dans un fauteuil et je prends des notes (rires) ! Avec un client tu ne sais jamais ce qui t’attend. Il peut sembler mignon, mais après il prend de la drogue et il change tout à coup. Au départ, j’avais toujours une crainte avec les nouveaux clients. Maintenant, c’est devenu presque comme un sport. Je me demande : alors qu’est-ce qu’il va faire celui-là ? Comme si j’avais très envie de lire la suite de l’histoire. Je suis devenue addict à ça ! Mais je ne suis pas sans cœur, j’aime aussi donner des conseils. Par exemple, moi je suis passée à travers l’alcool et la drogue. J’ai même failli mourir d’overdose avec un client. J’en sors maintenant, et donc je leur conseille de faire attention avec ça.
Même si je prends du plaisir, ce travail reste pour moi un moyen de gagner de l’argent. Je ne vis pas pour travailler, je travaille d’abord pour vivre. Comme dans un travail normal, j’ai des horaires, je prends mes vacances, je vais au restaurant. Comme tout le monde ! Et il y’a une grande séparation entre ma vie personnelle et mon travail. La nuit, je suis Diabla ! Partout où je vais, j’attire l’attention des hommes, par mes habits, mon parfum, mon corps exubérant. Je suis comme un aimant. Tous mes clients veulent être mon fiancé (rires) ! Et j’aime ça ! Mais quand je ne travaille pas, je suis timide ! Comme tu me vois aujourd’hui, je suis une fille normale, sans maquillage, qui va à la gym et qui écoute de la musique classique. Ce sont deux vies différentes, deux vies parallèles.
J’ai commencé la prostitution très jeune, et ça te marque quand même. Au bout d’un moment, j’ai perdu le sens de ce qui est vrai et ce qui est un mensonge, surtout avec les hommes. Je n’ai pas de relations en dehors du travail. Avec tout ce que j’ai vu, je ne peux plus leur faire confiance. Une fois, j’étais avec un client et sa fiancée a essayé de le joindre. Il lui a écrit : « J’arrive je suis en train de garer la voiture. » Et tout ça pendant qu’il baisait avec moi ! J’en ai vu tellement des choses comme ça… Donc je ne peux plus leur faire confiance. Je suis la femme d’une nuit pour eux. Ils me disent je t’aime, je leur dis je t’aime, ils me paient, et ciao, au suivant ! Plus y’a d’argent et plus y’a d’amour. Et quand l’argent s’arrête, l’amour s’arrête aussi (rires) ! C’est ça la réalité !
Depuis toute petite, j’ai toujours eu une idée claire de la personne que je voulais devenir. Et si cette petite fille me voyait maintenant, elle serait fière parce que je suis devenue exactement cette personne ! Je me fous de ce que pense la société. Ce qui m’importe, c’est ce que je pense moi. La société elle ne me donne pas à manger, elle ne paie pas mes factures. Si je ne travaille pas, je ne mange pas. C’est simple. Je pense à moi et c’est tout. Premièrement moi, deuxièmement moi, troisièmement moi. Écoute, dans la vie on nait seul, et on meurt seul. Mon secret pour être heureuse, c’est d’abord de m’aimer moi-même, m’accepter comme je suis. Il faut être soi-même heureux avant de pouvoir rendre les autres heureux. Si tu commences à dépendre d’autres personnes, tu ne seras jamais toi-même.
À côté de l’escort, je travaille pour l’association Aspasie. J’aide des femmes migrantes comme moi à s’intégrer, et je donne des cours sur le travail du sexe. C’est une des choses qui comptent le plus pour moi. Ça me nourrit, ça me fait grandir. Et récemment, j’ai enfin pu réaliser un rêve d’enfant. Depuis que j’ai 8 ans, je rêvais qu’un jour j’écrirais un livre sur ma vie. Et je viens enfin de le publier ! Il s’intitule « Ponte en mis tacones » [Mets-toi dans mes talons]. C’est ma manière à moi de laisser une trace dans le futur. Mon prochain défi, c’est de devenir une star du porno. Je vais bientôt faire mes premières vidéos. Je suis très curieuse de voir tous ces hommes qui semblent tenir si longtemps dans les films (rires) ! Et je sais que je vais réussir ce défi. Parce que dans ma vie, tout ce que je désire, je finis par l’obtenir. »
Publiée dans le cadre de la mini-série « 90’000 choses dans la tête », réalisée en partenariat avec Aspasie. | Traduit de l’espagnol
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« Le début de ma vie est assez classique. Je suis arrivée à 18 ans en Espagne depuis l’Equateur, pendant la crise économique de 1999. Comme je n’avais pas de papiers, les premières années ont été difficiles. Il y avait une pression constante de la police d’être expulsée. J’ai été arrêtée une fois, et j’ai passé une nuit en prison. C’était la première et la dernière fois. Je me suis dit : plus jamais ça ! Et depuis je me suis toujours tenue à l’écart de la police. Économiquement aussi c’était difficile. Il m’est arrivé de passer 10 jours à dormir dans un parc à Madrid. Et rapidement j’ai rencontré une fille qui m’a parlé de prostitution. Une histoire classique… Et comme j’aimais le sexe, j’ai voulu essayer. Maintenant ce travail pour moi, il est facile, parce que ça fait des années. Mais au départ c’était dur.
Je ne savais pas comment mettre un préservatif, ni comment faire une fellation. J’avais un peu d’expérience personnelle, mais c’est pas la même chose de le faire avec un inconnu qui t’attire pas. Et quand tu travailles, c’est comme une pièce de théâtre. Tu mets un masque, tu souris et tu dois oublier tes problèmes. C’était difficile d’apprendre tout ça, j’étais très triste. Mais je devais le faire pour pouvoir manger et pour aider ma famille au pays. Je leur envoyais tout l’argent qui me restait. Après un temps, j’ai essayé de trouver un travail normal. Je me suis occupée d’une personne âgée. Ça a été plus traumatisant encore que le travail du sexe. De voir les gens qui n’ont aucune patience avec leurs propres parents … Ça m’a fait mal au cœur. Dès que j’ai pu, j’ai arrêté ce travail et je n’ai plus fait que le travail du sexe.
Au bout de 2 ans, j’ai obtenu mes papiers et je me suis libérée de mes responsabilités économiques envers ma famille. Une nouvelle vie a commencé pour moi. Je me suis dit : maintenant je vais profiter, travailler pour moi, pour mes caprices, mes envies de luxe et mes voyages. Avant c’était : travail, travail, travail. Et depuis c’est : travail, divertissement, sexe et vacances ! Et je voyage pour ce travail. Il y a des clients partout dans le monde pour ça, mon chéri ! Qui n’aime pas le sexe ? Donc pour nous, les escorts, notre corps est notre propre entreprise ! Avec toute mon expérience, je peux te dire que chaque pays, chaque ville a ses propres préférences et habitudes dans le sexe. Si par exemple je voyage en Espagne, je sais dans quelles villes les hommes sont vraiment chauds !
La Suisse c’est le meilleur pays pour exercer ce métier. C’est légal et y’a une bonne sécurité. En France, à l’inverse, c’est interdit donc il faut prendre des risques et c’est très dangereux. En fait, je pourrais faire une analyse du marché du sexe dans le monde (rires) ! Mais tout ça c’est du travail. Il faut se préparer, connaitre la langue et les désirs de chaque pays. Et se transformer dans le fantasme du client. S’il veut que je sois une nonne, alors je deviens une nonne. S’il veut que je sois une grand-mère, je deviens une grand-mère. Ce qu’il désire, je le deviens. Un mensonge pour un mensonge. Et bien-sûr, je peux prendre du plaisir moi aussi. Quand j’étais jeune, je ne pouvais pas choisir mes clients. Mais maintenant j’ai le luxe de pouvoir choisir : toi oui, toi non ! J’aime le sexe dur et long, et sinon, ciao (rires) !
Mais être escort c’est aussi être psychologue. Les personnes te racontent tous leurs problèmes. Parfois je m’assois dans un fauteuil et je prends des notes (rires) ! Avec un client tu ne sais jamais ce qui t’attend. Il peut sembler mignon, mais après il prend de la drogue et il change tout à coup. Au départ, j’avais toujours une crainte avec les nouveaux clients. Maintenant, c’est devenu presque comme un sport. Je me demande : alors qu’est-ce qu’il va faire celui-là ? Comme si j’avais très envie de lire la suite de l’histoire. Je suis devenue addict à ça ! Mais je ne suis pas sans cœur, j’aime aussi donner des conseils. Par exemple, moi je suis passée à travers l’alcool et la drogue. J’ai même failli mourir d’overdose avec un client. J’en sors maintenant, et donc je leur conseille de faire attention avec ça.
Même si je prends du plaisir, ce travail reste pour moi un moyen de gagner de l’argent. Je ne vis pas pour travailler, je travaille d’abord pour vivre. Comme dans un travail normal, j’ai des horaires, je prends mes vacances, je vais au restaurant. Comme tout le monde ! Et il y’a une grande séparation entre ma vie personnelle et mon travail. La nuit, je suis Diabla ! Partout où je vais, j’attire l’attention des hommes, par mes habits, mon parfum, mon corps exubérant. Je suis comme un aimant. Tous mes clients veulent être mon fiancé (rires) ! Et j’aime ça ! Mais quand je ne travaille pas, je suis timide ! Comme tu me vois aujourd’hui, je suis une fille normale, sans maquillage, qui va à la gym et qui écoute de la musique classique. Ce sont deux vies différentes, deux vies parallèles.
J’ai commencé la prostitution très jeune, et ça te marque quand même. Au bout d’un moment, j’ai perdu le sens de ce qui est vrai et ce qui est un mensonge, surtout avec les hommes. Je n’ai pas de relations en dehors du travail. Avec tout ce que j’ai vu, je ne peux plus leur faire confiance. Une fois, j’étais avec un client et sa fiancée a essayé de le joindre. Il lui a écrit : « J’arrive je suis en train de garer la voiture. » Et tout ça pendant qu’il baisait avec moi ! J’en ai vu tellement des choses comme ça… Donc je ne peux plus leur faire confiance. Je suis la femme d’une nuit pour eux. Ils me disent je t’aime, je leur dis je t’aime, ils me paient, et ciao, au suivant ! Plus y’a d’argent et plus y’a d’amour. Et quand l’argent s’arrête, l’amour s’arrête aussi (rires) ! C’est ça la réalité !
Depuis toute petite, j’ai toujours eu une idée claire de la personne que je voulais devenir. Et si cette petite fille me voyait maintenant, elle serait fière parce que je suis devenue exactement cette personne ! Je me fous de ce que pense la société. Ce qui m’importe, c’est ce que je pense moi. La société elle ne me donne pas à manger, elle ne paie pas mes factures. Si je ne travaille pas, je ne mange pas. C’est simple. Je pense à moi et c’est tout. Premièrement moi, deuxièmement moi, troisièmement moi. Écoute, dans la vie on nait seul, et on meurt seul. Mon secret pour être heureuse, c’est d’abord de m’aimer moi-même, m’accepter comme je suis. Il faut être soi-même heureux avant de pouvoir rendre les autres heureux. Si tu commences à dépendre d’autres personnes, tu ne seras jamais toi-même.
À côté de l’escort, je travaille pour l’association Aspasie. J’aide des femmes migrantes comme moi à s’intégrer, et je donne des cours sur le travail du sexe. C’est une des choses qui comptent le plus pour moi. Ça me nourrit, ça me fait grandir. Et récemment, j’ai enfin pu réaliser un rêve d’enfant. Depuis que j’ai 8 ans, je rêvais qu’un jour j’écrirais un livre sur ma vie. Et je viens enfin de le publier ! Il s’intitule « Ponte en mis tacones » [Mets-toi dans mes talons]. C’est ma manière à moi de laisser une trace dans le futur. Mon prochain défi, c’est de devenir une star du porno. Je vais bientôt faire mes premières vidéos. Je suis très curieuse de voir tous ces hommes qui semblent tenir si longtemps dans les films (rires) ! Et je sais que je vais réussir ce défi. Parce que dans ma vie, tout ce que je désire, je finis par l’obtenir. »
Publiée dans le cadre de la mini-série « 90’000 choses dans la tête », réalisée en partenariat avec Aspasie. | Traduit de l’espagnol

« Le début de ma vie est assez classique. Je suis arrivée à 18 ans en Espagne depuis l’Equateur, pendant la crise économique de 1999. Comme je n’avais pas de papiers, les premières années ont été difficiles. Il y avait une pression constante de la police d’être expulsée. J’ai été arrêtée une fois, et j’ai passé une nuit en prison. C’était la première et la dernière fois. Je me suis dit : plus jamais ça ! Et depuis je me suis toujours tenue à l’écart de la police. Économiquement aussi c’était difficile. Il m’est arrivé de passer 10 jours à dormir dans un parc à Madrid. Et rapidement j’ai rencontré une fille qui m’a parlé de prostitution. Une histoire classique… Et comme j’aimais le sexe, j’ai voulu essayer. Maintenant ce travail pour moi, il est facile, parce que ça fait des années. Mais au départ c’était dur.
Je ne savais pas comment mettre un préservatif, ni comment faire une fellation. J’avais un peu d’expérience personnelle, mais c’est pas la même chose de le faire avec un inconnu qui t’attire pas. Et quand tu travailles, c’est comme une pièce de théâtre. Tu mets un masque, tu souris et tu dois oublier tes problèmes. C’était difficile d’apprendre tout ça, j’étais très triste. Mais je devais le faire pour pouvoir manger et pour aider ma famille au pays. Je leur envoyais tout l’argent qui me restait. Après un temps, j’ai essayé de trouver un travail normal. Je me suis occupée d’une personne âgée. Ça a été plus traumatisant encore que le travail du sexe. De voir les gens qui n’ont aucune patience avec leurs propres parents … Ça m’a fait mal au cœur. Dès que j’ai pu, j’ai arrêté ce travail et je n’ai plus fait que le travail du sexe.
Au bout de 2 ans, j’ai obtenu mes papiers et je me suis libérée de mes responsabilités économiques envers ma famille. Une nouvelle vie a commencé pour moi. Je me suis dit : maintenant je vais profiter, travailler pour moi, pour mes caprices, mes envies de luxe et mes voyages. Avant c’était : travail, travail, travail. Et depuis c’est : travail, divertissement, sexe et vacances ! Et je voyage pour ce travail. Il y a des clients partout dans le monde pour ça, mon chéri ! Qui n’aime pas le sexe ? Donc pour nous, les escorts, notre corps est notre propre entreprise ! Avec toute mon expérience, je peux te dire que chaque pays, chaque ville a ses propres préférences et habitudes dans le sexe. Si par exemple je voyage en Espagne, je sais dans quelles villes les hommes sont vraiment chauds !
La Suisse c’est le meilleur pays pour exercer ce métier. C’est légal et y’a une bonne sécurité. En France, à l’inverse, c’est interdit donc il faut prendre des risques et c’est très dangereux. En fait, je pourrais faire une analyse du marché du sexe dans le monde (rires) ! Mais tout ça c’est du travail. Il faut se préparer, connaitre la langue et les désirs de chaque pays. Et se transformer dans le fantasme du client. S’il veut que je sois une nonne, alors je deviens une nonne. S’il veut que je sois une grand-mère, je deviens une grand-mère. Ce qu’il désire, je le deviens. Un mensonge pour un mensonge. Et bien-sûr, je peux prendre du plaisir moi aussi. Quand j’étais jeune, je ne pouvais pas choisir mes clients. Mais maintenant j’ai le luxe de pouvoir choisir : toi oui, toi non ! J’aime le sexe dur et long, et sinon, ciao (rires) !
Mais être escort c’est aussi être psychologue. Les personnes te racontent tous leurs problèmes. Parfois je m’assois dans un fauteuil et je prends des notes (rires) ! Avec un client tu ne sais jamais ce qui t’attend. Il peut sembler mignon, mais après il prend de la drogue et il change tout à coup. Au départ, j’avais toujours une crainte avec les nouveaux clients. Maintenant, c’est devenu presque comme un sport. Je me demande : alors qu’est-ce qu’il va faire celui-là ? Comme si j’avais très envie de lire la suite de l’histoire. Je suis devenue addict à ça ! Mais je ne suis pas sans cœur, j’aime aussi donner des conseils. Par exemple, moi je suis passée à travers l’alcool et la drogue. J’ai même failli mourir d’overdose avec un client. J’en sors maintenant, et donc je leur conseille de faire attention avec ça.
Même si je prends du plaisir, ce travail reste pour moi un moyen de gagner de l’argent. Je ne vis pas pour travailler, je travaille d’abord pour vivre. Comme dans un travail normal, j’ai des horaires, je prends mes vacances, je vais au restaurant. Comme tout le monde ! Et il y’a une grande séparation entre ma vie personnelle et mon travail. La nuit, je suis Diabla ! Partout où je vais, j’attire l’attention des hommes, par mes habits, mon parfum, mon corps exubérant. Je suis comme un aimant. Tous mes clients veulent être mon fiancé (rires) ! Et j’aime ça ! Mais quand je ne travaille pas, je suis timide ! Comme tu me vois aujourd’hui, je suis une fille normale, sans maquillage, qui va à la gym et qui écoute de la musique classique. Ce sont deux vies différentes, deux vies parallèles.
J’ai commencé la prostitution très jeune, et ça te marque quand même. Au bout d’un moment, j’ai perdu le sens de ce qui est vrai et ce qui est un mensonge, surtout avec les hommes. Je n’ai pas de relations en dehors du travail. Avec tout ce que j’ai vu, je ne peux plus leur faire confiance. Une fois, j’étais avec un client et sa fiancée a essayé de le joindre. Il lui a écrit : « J’arrive je suis en train de garer la voiture. » Et tout ça pendant qu’il baisait avec moi ! J’en ai vu tellement des choses comme ça… Donc je ne peux plus leur faire confiance. Je suis la femme d’une nuit pour eux. Ils me disent je t’aime, je leur dis je t’aime, ils me paient, et ciao, au suivant ! Plus y’a d’argent et plus y’a d’amour. Et quand l’argent s’arrête, l’amour s’arrête aussi (rires) ! C’est ça la réalité !
Depuis toute petite, j’ai toujours eu une idée claire de la personne que je voulais devenir. Et si cette petite fille me voyait maintenant, elle serait fière parce que je suis devenue exactement cette personne ! Je me fous de ce que pense la société. Ce qui m’importe, c’est ce que je pense moi. La société elle ne me donne pas à manger, elle ne paie pas mes factures. Si je ne travaille pas, je ne mange pas. C’est simple. Je pense à moi et c’est tout. Premièrement moi, deuxièmement moi, troisièmement moi. Écoute, dans la vie on nait seul, et on meurt seul. Mon secret pour être heureuse, c’est d’abord de m’aimer moi-même, m’accepter comme je suis. Il faut être soi-même heureux avant de pouvoir rendre les autres heureux. Si tu commences à dépendre d’autres personnes, tu ne seras jamais toi-même.
À côté de l’escort, je travaille pour l’association Aspasie. J’aide des femmes migrantes comme moi à s’intégrer, et je donne des cours sur le travail du sexe. C’est une des choses qui comptent le plus pour moi. Ça me nourrit, ça me fait grandir. Et récemment, j’ai enfin pu réaliser un rêve d’enfant. Depuis que j’ai 8 ans, je rêvais qu’un jour j’écrirais un livre sur ma vie. Et je viens enfin de le publier ! Il s’intitule « Ponte en mis tacones » [Mets-toi dans mes talons]. C’est ma manière à moi de laisser une trace dans le futur. Mon prochain défi, c’est de devenir une star du porno. Je vais bientôt faire mes premières vidéos. Je suis très curieuse de voir tous ces hommes qui semblent tenir si longtemps dans les films (rires) ! Et je sais que je vais réussir ce défi. Parce que dans ma vie, tout ce que je désire, je finis par l’obtenir. »
Publiée dans le cadre de la mini-série « 90’000 choses dans la tête », réalisée en partenariat avec Aspasie. | Traduit de l’espagnol