« J’ai toujours été attiré par le milieu artistique. Petit, je demandais tout le temps à ma mère de m’amener à des castings pour la télévision. Et j’étais tellement beau que les gens me disaient souvent : « Ah tu dois être mannequin ! » Donc à 15 ans j’ai commencé une carrière de mannequin qui a duré plusieurs années. À côté de ça, je faisais beaucoup de danse moderne. Je faisais partie d’une troupe à l’université avec laquelle on voyageait dans tout le Brésil. Avant de monter sur scène, j’ai toujours eu beaucoup de stress. La première fois, je tremblais tellement ! Mais dès que je suis sur la scène, j’oublie tout. Ma timidité disparait complètement. C’est bizarre ! Je crois que c’est parce que c’est un personnage qui rentre, c’est pas moi. Et ce personnage-là, il a plus de courage que moi, pour la danse, pour le mannequinat, pour tout.
Au début de l’adolescence, j’étais pas encore vraiment attiré par les mecs. Dans ma vie, les femmes m’ont toujours séduit, et j’ai toujours été attiré par elles aussi. Donc j’avais souvent des copines. J’étais encore dans l’armoire comme on dit (rires) ! Un jour quand j’avais 15 ans, un mec à la piscine m’a séduit. On a commencé à discuter, et quand on est entrés dans la piscine, il a touché mon sexe. J’ai crié : « Non ! Ne fais pas ça ! » J’étais un peu troublé. Et à partir de ce moment, j’ai commencé à avoir des fantasmes sur le mec. Mais sans savoir ce que ça signifiait. Quand t’es jeune c’est pas clair dans ta tête. Et j’en parlais surtout à personne. Je ne voulais pas que les gens sachent. Je pensais que c’était une période qui allait passer, et que la vie normale allait reprendre. Mais ça, c’était un mensonge… Ça ne passe pas !
À 21 ans, j’ai eu ma première relation avec un homme. J’ai continué les allers-retours avec les filles mais au bout d’un temps je n’étais plus attiré. Une fois que tu as essayé avec les hommes, c’est foutu (rires) ! Puis j’ai commencé une relation avec un écrivain connu localement. Un jour, je l’ai accompagné sur un plateau télévisé pour une émission en direct. À un moment, il a dit à la journaliste : « Y’a mon copain qui est là dans le public ! » La caméra s’est braquée sur moi, et c’est comme ça que j’ai été jeté hors de l’armoire (rires) ! Au départ j’ai eu peur. Que vont dire ma famille et la société ? Mais je me suis dit : je m’en fous ! Comme j’aimais mon compagnon, je voulais déjà l’assumer. Et pour finir, mes parents qui sont très religieux m’ont dit : « C’est pas ça qu’on veut pour ta vie, mais on te respecte, c’est ta décision. »
Quand la relation s’est terminée après quelques années, j’étais très triste et je voulais changer de paysage. J’ai obtenu un contrat en Italie en tant que danseur et je suis parti sur un coup de tête. Après 2 ans, mon contrat n’a pas été renouvelé, mais je ne voulais pas retourner au Brésil. Je voulais rester en Europe pour avoir une vie meilleure et aider ma famille. C’est là que j’ai rencontré une femme qui travaillait dans le business du sexe ici, en Suisse. Au départ je pensais que j’avais pas le courage, parce que je viens d’un milieu catholique très strict. Mais j’ai quand même accepté de venir voir. Quand je suis arrivé, j’avais pas de papiers, je connaissais personne, et je ne parlais pas la langue. J’avais pas beaucoup de choix alors je me suis engagé dans ce travail. Et c’est vrai, j’ai aussi été attiré par l’argent.
Ma première fois… C’était un stress total, je tremblais de peur. Je me demandais comment j’allais faire. Mais une fois que j’ai commencé, ça allait. Le sexe, tout le monde connait ! Je me suis habitué, et surtout j’ai commencé à voir l’argent rentrer, rentrer, rentrer. Je me suis dit : bah dis donc, ça marche ! Certains clients étaient beaux, et avec eux j’avais l’argent et j’en profitais en même temps (rires) ! Et si le client n’était pas beau, j’avais mes propres astuces. Avant qu’il arrive, je me touchais devant un filmer porno, et je buvais un petit whisky pour me chauffer. Et là je m’emballais (rires) ! Après, je cherchais un endroit de son corps que je trouvais joli, et je me concentrais dessus. J’arrivais toujours à trouver quelque chose d’intéressant. Personne n’est 100% moche (rires) !
Une expérience commune qu’on partage entre les travailleurs du sexe, c’est qu’on est aussi des psychologues. On écoute les clients, leurs soucis, on apprend à les connaitre. Et tout ça crée des liens. C’est pas comme des amis exactement, mais on est liés d’une manière à ces gens, simplement parce qu’on est des êtres humains. On n’est pas froids comme des cailloux ! Par exemple, si le client a des soucis, je deviens triste pour lui. Et les bons clients, après des années, ils deviennent comme des amants. J’ai un client que j’ai depuis 17 ans, et l’autre jour je suis allé le voir à l’hôpital. Il souffre d’un cancer et il a décidé de mourir par euthanasie. Je venais lui dire au revoir pour la dernière fois. On a commencé à parler des moments qu’on a vécus ensemble et on a pleuré tous les deux. C’était très dur…
Peu de temps après être arrivé en Suisse, j’ai rencontré mon compagnon. Tout de suite je lui ai dit : « Écoute, entre nous ça peut pas marcher parce que je fais le travail du sexe. » Il a été étonné mais il a voulu me revoir. Après quelques temps on s’est mis ensemble et ça va faire 20 ans maintenant ! Au début, il m’a demandé plusieurs fois d’arrêter ce travail. Mais je répondais : « C’est toi qui vas me payer tout ce que je gagne (rires) ? » Et avec le temps, il a fini par accepter. Les Suisses, pour ça, ils sont très ouverts ! À côté de ce travail, j’ai toujours eu d’autres boulots, surtout dans le domaine artistique. Donc je me suis toujours présenté comme artiste, et j’ai toujours caché que je faisais le business du sexe. C’est une profession que j’ai jamais assumée en fait. Je pense que c’est à cause de l’éducation que j’ai reçue.
Maintenant, j’en ai marre de ce travail. J’en ai marre de jouer le jeu de la séduction, des clients qui tombent amoureux, et j’en ai marre d’être touché par des inconnus. Ça fait déjà quelques années que je ne mets plus d’annonces. Avant, je passais mon temps sur le téléphone à répondre aux clients. J’en ai eu marre de toutes leurs questions : tu fais combien de cm ? Est-ce que tu fais ça ou ça ? Tout devenait pénible pour moi. Donc j’ai gardé seulement quelques clients avec qui je suis habitué. Mais j’ai toujours l’idée d’arrêter complètement. J’ai envie de me concentrer sur un travail social que j’ai commencé il y a quelque temps et aussi sur mes activités artistiques que j’aime beaucoup. Le travail du sexe m’a été bénéfique, je ne regrette rien. Mais dans la vie, toute chose doit prendre fin à un moment donné. »
Publiée dans le cadre de la mini-série « 90’000 choses dans la tête », réalisée en partenariat avec Aspasie.
« J’ai toujours été attiré par le milieu artistique. Petit, je demandais tout le temps à ma mère de m’amener à des castings pour la télévision. Et j’étais tellement beau que les gens me disaient souvent : « Ah tu dois être mannequin ! » Donc à 15 ans j’ai commencé une carrière de mannequin qui a duré plusieurs années. À côté de ça, je faisais beaucoup de danse moderne. Je faisais partie d’une troupe à l’université avec laquelle on voyageait dans tout le Brésil. Avant de monter sur scène, j’ai toujours eu beaucoup de stress. La première fois, je tremblais tellement ! Mais dès que je suis sur la scène, j’oublie tout. Ma timidité disparait complètement. C’est bizarre ! Je crois que c’est parce que c’est un personnage qui rentre, c’est pas moi. Et ce personnage-là, il a plus de courage que moi, pour la danse, pour le mannequinat, pour tout.
Au début de l’adolescence, j’étais pas encore vraiment attiré par les mecs. Dans ma vie, les femmes m’ont toujours séduit, et j’ai toujours été attiré par elles aussi. Donc j’avais souvent des copines. J’étais encore dans l’armoire comme on dit (rires) ! Un jour quand j’avais 15 ans, un mec à la piscine m’a séduit. On a commencé à discuter, et quand on est entrés dans la piscine, il a touché mon sexe. J’ai crié : « Non ! Ne fais pas ça ! » J’étais un peu troublé. Et à partir de ce moment, j’ai commencé à avoir des fantasmes sur le mec. Mais sans savoir ce que ça signifiait. Quand t’es jeune c’est pas clair dans ta tête. Et j’en parlais surtout à personne. Je ne voulais pas que les gens sachent. Je pensais que c’était une période qui allait passer, et que la vie normale allait reprendre. Mais ça, c’était un mensonge… Ça ne passe pas !
À 21 ans, j’ai eu ma première relation avec un homme. J’ai continué les allers-retours avec les filles mais au bout d’un temps je n’étais plus attiré. Une fois que tu as essayé avec les hommes, c’est foutu (rires) ! Puis j’ai commencé une relation avec un écrivain connu localement. Un jour, je l’ai accompagné sur un plateau télévisé pour une émission en direct. À un moment, il a dit à la journaliste : « Y’a mon copain qui est là dans le public ! » La caméra s’est braquée sur moi, et c’est comme ça que j’ai été jeté hors de l’armoire (rires) ! Au départ j’ai eu peur. Que vont dire ma famille et la société ? Mais je me suis dit : je m’en fous ! Comme j’aimais mon compagnon, je voulais déjà l’assumer. Et pour finir, mes parents qui sont très religieux m’ont dit : « C’est pas ça qu’on veut pour ta vie, mais on te respecte, c’est ta décision. »
Quand la relation s’est terminée après quelques années, j’étais très triste et je voulais changer de paysage. J’ai obtenu un contrat en Italie en tant que danseur et je suis parti sur un coup de tête. Après 2 ans, mon contrat n’a pas été renouvelé, mais je ne voulais pas retourner au Brésil. Je voulais rester en Europe pour avoir une vie meilleure et aider ma famille. C’est là que j’ai rencontré une femme qui travaillait dans le business du sexe ici, en Suisse. Au départ je pensais que j’avais pas le courage, parce que je viens d’un milieu catholique très strict. Mais j’ai quand même accepté de venir voir. Quand je suis arrivé, j’avais pas de papiers, je connaissais personne, et je ne parlais pas la langue. J’avais pas beaucoup de choix alors je me suis engagé dans ce travail. Et c’est vrai, j’ai aussi été attiré par l’argent.
Ma première fois… C’était un stress total, je tremblais de peur. Je me demandais comment j’allais faire. Mais une fois que j’ai commencé, ça allait. Le sexe, tout le monde connait ! Je me suis habitué, et surtout j’ai commencé à voir l’argent rentrer, rentrer, rentrer. Je me suis dit : bah dis donc, ça marche ! Certains clients étaient beaux, et avec eux j’avais l’argent et j’en profitais en même temps (rires) ! Et si le client n’était pas beau, j’avais mes propres astuces. Avant qu’il arrive, je me touchais devant un filmer porno, et je buvais un petit whisky pour me chauffer. Et là je m’emballais (rires) ! Après, je cherchais un endroit de son corps que je trouvais joli, et je me concentrais dessus. J’arrivais toujours à trouver quelque chose d’intéressant. Personne n’est 100% moche (rires) !
Une expérience commune qu’on partage entre les travailleurs du sexe, c’est qu’on est aussi des psychologues. On écoute les clients, leurs soucis, on apprend à les connaitre. Et tout ça crée des liens. C’est pas comme des amis exactement, mais on est liés d’une manière à ces gens, simplement parce qu’on est des êtres humains. On n’est pas froids comme des cailloux ! Par exemple, si le client a des soucis, je deviens triste pour lui. Et les bons clients, après des années, ils deviennent comme des amants. J’ai un client que j’ai depuis 17 ans, et l’autre jour je suis allé le voir à l’hôpital. Il souffre d’un cancer et il a décidé de mourir par euthanasie. Je venais lui dire au revoir pour la dernière fois. On a commencé à parler des moments qu’on a vécus ensemble et on a pleuré tous les deux. C’était très dur…
Peu de temps après être arrivé en Suisse, j’ai rencontré mon compagnon. Tout de suite je lui ai dit : « Écoute, entre nous ça peut pas marcher parce que je fais le travail du sexe. » Il a été étonné mais il a voulu me revoir. Après quelques temps on s’est mis ensemble et ça va faire 20 ans maintenant ! Au début, il m’a demandé plusieurs fois d’arrêter ce travail. Mais je répondais : « C’est toi qui vas me payer tout ce que je gagne (rires) ? » Et avec le temps, il a fini par accepter. Les Suisses, pour ça, ils sont très ouverts ! À côté de ce travail, j’ai toujours eu d’autres boulots, surtout dans le domaine artistique. Donc je me suis toujours présenté comme artiste, et j’ai toujours caché que je faisais le business du sexe. C’est une profession que j’ai jamais assumée en fait. Je pense que c’est à cause de l’éducation que j’ai reçue.
Maintenant, j’en ai marre de ce travail. J’en ai marre de jouer le jeu de la séduction, des clients qui tombent amoureux, et j’en ai marre d’être touché par des inconnus. Ça fait déjà quelques années que je ne mets plus d’annonces. Avant, je passais mon temps sur le téléphone à répondre aux clients. J’en ai eu marre de toutes leurs questions : tu fais combien de cm ? Est-ce que tu fais ça ou ça ? Tout devenait pénible pour moi. Donc j’ai gardé seulement quelques clients avec qui je suis habitué. Mais j’ai toujours l’idée d’arrêter complètement. J’ai envie de me concentrer sur un travail social que j’ai commencé il y a quelque temps et aussi sur mes activités artistiques que j’aime beaucoup. Le travail du sexe m’a été bénéfique, je ne regrette rien. Mais dans la vie, toute chose doit prendre fin à un moment donné. »
Publiée dans le cadre de la mini-série « 90’000 choses dans la tête », réalisée en partenariat avec Aspasie.
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« J’ai toujours été attiré par le milieu artistique. Petit, je demandais tout le temps à ma mère de m’amener à des castings pour la télévision. Et j’étais tellement beau que les gens me disaient souvent : « Ah tu dois être mannequin ! » Donc à 15 ans j’ai commencé une carrière de mannequin qui a duré plusieurs années. À côté de ça, je faisais beaucoup de danse moderne. Je faisais partie d’une troupe à l’université avec laquelle on voyageait dans tout le Brésil. Avant de monter sur scène, j’ai toujours eu beaucoup de stress. La première fois, je tremblais tellement ! Mais dès que je suis sur la scène, j’oublie tout. Ma timidité disparait complètement. C’est bizarre ! Je crois que c’est parce que c’est un personnage qui rentre, c’est pas moi. Et ce personnage-là, il a plus de courage que moi, pour la danse, pour le mannequinat, pour tout.
Au début de l’adolescence, j’étais pas encore vraiment attiré par les mecs. Dans ma vie, les femmes m’ont toujours séduit, et j’ai toujours été attiré par elles aussi. Donc j’avais souvent des copines. J’étais encore dans l’armoire comme on dit (rires) ! Un jour quand j’avais 15 ans, un mec à la piscine m’a séduit. On a commencé à discuter, et quand on est entrés dans la piscine, il a touché mon sexe. J’ai crié : « Non ! Ne fais pas ça ! » J’étais un peu troublé. Et à partir de ce moment, j’ai commencé à avoir des fantasmes sur le mec. Mais sans savoir ce que ça signifiait. Quand t’es jeune c’est pas clair dans ta tête. Et j’en parlais surtout à personne. Je ne voulais pas que les gens sachent. Je pensais que c’était une période qui allait passer, et que la vie normale allait reprendre. Mais ça, c’était un mensonge… Ça ne passe pas !
À 21 ans, j’ai eu ma première relation avec un homme. J’ai continué les allers-retours avec les filles mais au bout d’un temps je n’étais plus attiré. Une fois que tu as essayé avec les hommes, c’est foutu (rires) ! Puis j’ai commencé une relation avec un écrivain connu localement. Un jour, je l’ai accompagné sur un plateau télévisé pour une émission en direct. À un moment, il a dit à la journaliste : « Y’a mon copain qui est là dans le public ! » La caméra s’est braquée sur moi, et c’est comme ça que j’ai été jeté hors de l’armoire (rires) ! Au départ j’ai eu peur. Que vont dire ma famille et la société ? Mais je me suis dit : je m’en fous ! Comme j’aimais mon compagnon, je voulais déjà l’assumer. Et pour finir, mes parents qui sont très religieux m’ont dit : « C’est pas ça qu’on veut pour ta vie, mais on te respecte, c’est ta décision. »
Quand la relation s’est terminée après quelques années, j’étais très triste et je voulais changer de paysage. J’ai obtenu un contrat en Italie en tant que danseur et je suis parti sur un coup de tête. Après 2 ans, mon contrat n’a pas été renouvelé, mais je ne voulais pas retourner au Brésil. Je voulais rester en Europe pour avoir une vie meilleure et aider ma famille. C’est là que j’ai rencontré une femme qui travaillait dans le business du sexe ici, en Suisse. Au départ je pensais que j’avais pas le courage, parce que je viens d’un milieu catholique très strict. Mais j’ai quand même accepté de venir voir. Quand je suis arrivé, j’avais pas de papiers, je connaissais personne, et je ne parlais pas la langue. J’avais pas beaucoup de choix alors je me suis engagé dans ce travail. Et c’est vrai, j’ai aussi été attiré par l’argent.
Ma première fois… C’était un stress total, je tremblais de peur. Je me demandais comment j’allais faire. Mais une fois que j’ai commencé, ça allait. Le sexe, tout le monde connait ! Je me suis habitué, et surtout j’ai commencé à voir l’argent rentrer, rentrer, rentrer. Je me suis dit : bah dis donc, ça marche ! Certains clients étaient beaux, et avec eux j’avais l’argent et j’en profitais en même temps (rires) ! Et si le client n’était pas beau, j’avais mes propres astuces. Avant qu’il arrive, je me touchais devant un filmer porno, et je buvais un petit whisky pour me chauffer. Et là je m’emballais (rires) ! Après, je cherchais un endroit de son corps que je trouvais joli, et je me concentrais dessus. J’arrivais toujours à trouver quelque chose d’intéressant. Personne n’est 100% moche (rires) !
Une expérience commune qu’on partage entre les travailleurs du sexe, c’est qu’on est aussi des psychologues. On écoute les clients, leurs soucis, on apprend à les connaitre. Et tout ça crée des liens. C’est pas comme des amis exactement, mais on est liés d’une manière à ces gens, simplement parce qu’on est des êtres humains. On n’est pas froids comme des cailloux ! Par exemple, si le client a des soucis, je deviens triste pour lui. Et les bons clients, après des années, ils deviennent comme des amants. J’ai un client que j’ai depuis 17 ans, et l’autre jour je suis allé le voir à l’hôpital. Il souffre d’un cancer et il a décidé de mourir par euthanasie. Je venais lui dire au revoir pour la dernière fois. On a commencé à parler des moments qu’on a vécus ensemble et on a pleuré tous les deux. C’était très dur…
Peu de temps après être arrivé en Suisse, j’ai rencontré mon compagnon. Tout de suite je lui ai dit : « Écoute, entre nous ça peut pas marcher parce que je fais le travail du sexe. » Il a été étonné mais il a voulu me revoir. Après quelques temps on s’est mis ensemble et ça va faire 20 ans maintenant ! Au début, il m’a demandé plusieurs fois d’arrêter ce travail. Mais je répondais : « C’est toi qui vas me payer tout ce que je gagne (rires) ? » Et avec le temps, il a fini par accepter. Les Suisses, pour ça, ils sont très ouverts ! À côté de ce travail, j’ai toujours eu d’autres boulots, surtout dans le domaine artistique. Donc je me suis toujours présenté comme artiste, et j’ai toujours caché que je faisais le business du sexe. C’est une profession que j’ai jamais assumée en fait. Je pense que c’est à cause de l’éducation que j’ai reçue.
Maintenant, j’en ai marre de ce travail. J’en ai marre de jouer le jeu de la séduction, des clients qui tombent amoureux, et j’en ai marre d’être touché par des inconnus. Ça fait déjà quelques années que je ne mets plus d’annonces. Avant, je passais mon temps sur le téléphone à répondre aux clients. J’en ai eu marre de toutes leurs questions : tu fais combien de cm ? Est-ce que tu fais ça ou ça ? Tout devenait pénible pour moi. Donc j’ai gardé seulement quelques clients avec qui je suis habitué. Mais j’ai toujours l’idée d’arrêter complètement. J’ai envie de me concentrer sur un travail social que j’ai commencé il y a quelque temps et aussi sur mes activités artistiques que j’aime beaucoup. Le travail du sexe m’a été bénéfique, je ne regrette rien. Mais dans la vie, toute chose doit prendre fin à un moment donné. »
Publiée dans le cadre de la mini-série « 90’000 choses dans la tête », réalisée en partenariat avec Aspasie.
« J’ai toujours été attiré par le milieu artistique. Petit, je demandais tout le temps à ma mère de m’amener à des castings pour la télévision. Et j’étais tellement beau que les gens me disaient souvent : « Ah tu dois être mannequin ! » Donc à 15 ans j’ai commencé une carrière de mannequin qui a duré plusieurs années. À côté de ça, je faisais beaucoup de danse moderne. Je faisais partie d’une troupe à l’université avec laquelle on voyageait dans tout le Brésil. Avant de monter sur scène, j’ai toujours eu beaucoup de stress. La première fois, je tremblais tellement ! Mais dès que je suis sur la scène, j’oublie tout. Ma timidité disparait complètement. C’est bizarre ! Je crois que c’est parce que c’est un personnage qui rentre, c’est pas moi. Et ce personnage-là, il a plus de courage que moi, pour la danse, pour le mannequinat, pour tout.
Au début de l’adolescence, j’étais pas encore vraiment attiré par les mecs. Dans ma vie, les femmes m’ont toujours séduit, et j’ai toujours été attiré par elles aussi. Donc j’avais souvent des copines. J’étais encore dans l’armoire comme on dit (rires) ! Un jour quand j’avais 15 ans, un mec à la piscine m’a séduit. On a commencé à discuter, et quand on est entrés dans la piscine, il a touché mon sexe. J’ai crié : « Non ! Ne fais pas ça ! » J’étais un peu troublé. Et à partir de ce moment, j’ai commencé à avoir des fantasmes sur le mec. Mais sans savoir ce que ça signifiait. Quand t’es jeune c’est pas clair dans ta tête. Et j’en parlais surtout à personne. Je ne voulais pas que les gens sachent. Je pensais que c’était une période qui allait passer, et que la vie normale allait reprendre. Mais ça, c’était un mensonge… Ça ne passe pas !
À 21 ans, j’ai eu ma première relation avec un homme. J’ai continué les allers-retours avec les filles mais au bout d’un temps je n’étais plus attiré. Une fois que tu as essayé avec les hommes, c’est foutu (rires) ! Puis j’ai commencé une relation avec un écrivain connu localement. Un jour, je l’ai accompagné sur un plateau télévisé pour une émission en direct. À un moment, il a dit à la journaliste : « Y’a mon copain qui est là dans le public ! » La caméra s’est braquée sur moi, et c’est comme ça que j’ai été jeté hors de l’armoire (rires) ! Au départ j’ai eu peur. Que vont dire ma famille et la société ? Mais je me suis dit : je m’en fous ! Comme j’aimais mon compagnon, je voulais déjà l’assumer. Et pour finir, mes parents qui sont très religieux m’ont dit : « C’est pas ça qu’on veut pour ta vie, mais on te respecte, c’est ta décision. »
Quand la relation s’est terminée après quelques années, j’étais très triste et je voulais changer de paysage. J’ai obtenu un contrat en Italie en tant que danseur et je suis parti sur un coup de tête. Après 2 ans, mon contrat n’a pas été renouvelé, mais je ne voulais pas retourner au Brésil. Je voulais rester en Europe pour avoir une vie meilleure et aider ma famille. C’est là que j’ai rencontré une femme qui travaillait dans le business du sexe ici, en Suisse. Au départ je pensais que j’avais pas le courage, parce que je viens d’un milieu catholique très strict. Mais j’ai quand même accepté de venir voir. Quand je suis arrivé, j’avais pas de papiers, je connaissais personne, et je ne parlais pas la langue. J’avais pas beaucoup de choix alors je me suis engagé dans ce travail. Et c’est vrai, j’ai aussi été attiré par l’argent.
Ma première fois… C’était un stress total, je tremblais de peur. Je me demandais comment j’allais faire. Mais une fois que j’ai commencé, ça allait. Le sexe, tout le monde connait ! Je me suis habitué, et surtout j’ai commencé à voir l’argent rentrer, rentrer, rentrer. Je me suis dit : bah dis donc, ça marche ! Certains clients étaient beaux, et avec eux j’avais l’argent et j’en profitais en même temps (rires) ! Et si le client n’était pas beau, j’avais mes propres astuces. Avant qu’il arrive, je me touchais devant un filmer porno, et je buvais un petit whisky pour me chauffer. Et là je m’emballais (rires) ! Après, je cherchais un endroit de son corps que je trouvais joli, et je me concentrais dessus. J’arrivais toujours à trouver quelque chose d’intéressant. Personne n’est 100% moche (rires) !
Une expérience commune qu’on partage entre les travailleurs du sexe, c’est qu’on est aussi des psychologues. On écoute les clients, leurs soucis, on apprend à les connaitre. Et tout ça crée des liens. C’est pas comme des amis exactement, mais on est liés d’une manière à ces gens, simplement parce qu’on est des êtres humains. On n’est pas froids comme des cailloux ! Par exemple, si le client a des soucis, je deviens triste pour lui. Et les bons clients, après des années, ils deviennent comme des amants. J’ai un client que j’ai depuis 17 ans, et l’autre jour je suis allé le voir à l’hôpital. Il souffre d’un cancer et il a décidé de mourir par euthanasie. Je venais lui dire au revoir pour la dernière fois. On a commencé à parler des moments qu’on a vécus ensemble et on a pleuré tous les deux. C’était très dur…
Peu de temps après être arrivé en Suisse, j’ai rencontré mon compagnon. Tout de suite je lui ai dit : « Écoute, entre nous ça peut pas marcher parce que je fais le travail du sexe. » Il a été étonné mais il a voulu me revoir. Après quelques temps on s’est mis ensemble et ça va faire 20 ans maintenant ! Au début, il m’a demandé plusieurs fois d’arrêter ce travail. Mais je répondais : « C’est toi qui vas me payer tout ce que je gagne (rires) ? » Et avec le temps, il a fini par accepter. Les Suisses, pour ça, ils sont très ouverts ! À côté de ce travail, j’ai toujours eu d’autres boulots, surtout dans le domaine artistique. Donc je me suis toujours présenté comme artiste, et j’ai toujours caché que je faisais le business du sexe. C’est une profession que j’ai jamais assumée en fait. Je pense que c’est à cause de l’éducation que j’ai reçue.
Maintenant, j’en ai marre de ce travail. J’en ai marre de jouer le jeu de la séduction, des clients qui tombent amoureux, et j’en ai marre d’être touché par des inconnus. Ça fait déjà quelques années que je ne mets plus d’annonces. Avant, je passais mon temps sur le téléphone à répondre aux clients. J’en ai eu marre de toutes leurs questions : tu fais combien de cm ? Est-ce que tu fais ça ou ça ? Tout devenait pénible pour moi. Donc j’ai gardé seulement quelques clients avec qui je suis habitué. Mais j’ai toujours l’idée d’arrêter complètement. J’ai envie de me concentrer sur un travail social que j’ai commencé il y a quelque temps et aussi sur mes activités artistiques que j’aime beaucoup. Le travail du sexe m’a été bénéfique, je ne regrette rien. Mais dans la vie, toute chose doit prendre fin à un moment donné. »
Publiée dans le cadre de la mini-série « 90’000 choses dans la tête », réalisée en partenariat avec Aspasie.