« Je suis né en Iran dans une famille assez libre et moderne. J’ai grandi avec la guerre Iran-Irak, et avec les nouvelles règles qui ont commencé en Iran. Donc l’atmosphère était très, très lourde. Mais ce n’est pas la faute des gens, c’est la faute du système. Tout le monde te pose des questions tout le temps. Y’avait tellement d’interdits. Quand je sortais voir une fille, par exemple, j’avais l’impression d’avoir fait quelque chose de grave, c’était super mal vu. C’était hyper pesant. Toute la culture était comme ça. Et avec mon caractère, je n’arrivais pas à accepter quelque chose qui te force. Mon pays ne progresse pas parce que le gouvernement écrase le peuple. Et pourtant c’est un pays avec tellement de richesses.

Depuis petit je voulais être médecin, mais le niveau des études supérieures est très difficile en Iran. Ma cousine habitait en Ukraine et mon père m’a dit d’aller là-bas pour les études. Je pense que j’aurais fait un bon médecin, mais le destin m’a amené ailleurs. Le jour où je suis arrivé en Ukraine et que je suis sorti de l’avion, j’ai senti l’air ukrainien et j’ai eu l’impression d’être chez moi. Il y avait une énergie tellement positive, je pouvais sentir la liberté, et je me suis senti à la maison. J’ai vite commencé à apprendre la langue pour trouver une copine, et en 3 mois je parlais déjà russe (rires) ! Mais j’ai aussi vite réalisé qu’au niveau des finances je ne pourrais pas étudier la médecine. Il fallait payer le logement, la nourriture, l’université pendant de longues années. Et ma famille n’arriverait pas à suivre.

J’avais quitté ma famille où le père décidait de tout, mais où j’étais en sécurité, et je me retrouvais ici seul et je devais me débrouiller. Mais j’ai aimé ça ! J’ai abandonné mon rêve de médecine et j’ai fait des études d’économie. Rapidement, j’ai commencé à gagner mon propre argent comme traducteur et je n’ai pas eu besoin de demander un centime à ma famille. Je parle farsi, turque, russe, ukrainien mais je traduisais principalement pour les Turcs, car il y avait beaucoup d’entreprises turques qui venaient d’arriver en Ukraine. Après ma première année en Ukraine, j’avais déjà pris la décision que je ne rentrerais pas en Iran. J’aime mon pays. La culture, l’histoire Iranienne est très ancienne. Le paysage est magnifique, et on a beaucoup de ressources naturelles. Mais la dernière fois que je suis rentré, l’atmosphère était tellement triste, à cause du système.

En Ukraine, je n’ai jamais eu de souci parce que j’étais Iranien. Si t’as de bonnes mains et une bonne tête, tu peux tout avoir, tu peux acheter une maison, te marier et avoir de beaux enfants. Y’a tout qui était possible en Ukraine. Personne ne demandait ta nationalité. Ils regardaient seulement comment tu es en tant qu’humain. Après quelques années j’ai rencontré ma femme, qui est ukrainienne et on a eu une fille. Avec ma belle-famille notre relation est juste super. Avec le temps on a prouvé avec ma femme qu’on a fait un bon choix, on a eu un bel enfant, on a bien progressé dans notre vie. Chaque week-end on sortait de la ville, profiter au bord de la rivière ou dans une forêt. En Ukraine ça te prend 2 minutes pour trouver un endroit magnifique et te relaxer tout de suite.

Fin janvier de cette année, c’était l’anniversaire de ma fille, et on est partis voyager en Egypte. La première chose qu’on a remarquée c’est que l’aéroport était vide… C’était la première fois qu’on voyait ça. On a commencé à comprendre que quelque chose de pas normal se préparait. Ma sœur m’a encouragé à partir en Turquie, mais je ne croyais pas à la guerre. Le 16 février déjà il y avait des embouteillages énormes à Kiev, les gens qui cherchaient à s’enfuir. Mais je n’y croyais toujours pas ! Y’avait pas de logique. Mais après j’ai compris qu’en Russie, il n’y a pas de logique. Puis le 24 on a été réveillés par une grosse explosion. Tout le monde a commencé à bouger, remplir les voitures, et partir. Et toutes les routes ont été vite bouchées. Honnêtement, je pensais que ça allait se régler rapidement. Ma femme ne réalisait pas non plus, et elle continuait à organiser des voyages touristiques pour ses clients.

Mais en un jour toute l’atmosphère a changé. Il y avait une suspicion générale, les gens se méfiaient et se demandaient si tu travaillais pour l’ennemi. Tu pouvais te faire contrôler dans la rue s’ils te trouvaient étrange. Ça devenait difficile de respirer… Au début y’a le stress qui explose mais après il faut se calmer et arriver à prendre des décisions. Et on a décidé de partir le lendemain matin vers Genève où ma sœur habitait. Il y avait beaucoup d’Ukrainiens sur la route qui nous donnaient à manger et à boire pour nous aider. Quand on est arrivés à la frontière avec la Pologne on est restés peut-être 18 heures à attendre. On a été très touchés par le peuple polonais, pour manger, pour les habits pour tout, on n’a même pas pensé que c’était possible. Mais y’a des gens qui sont partis sans valises sans rien. Et y’avait tout là-bas. Quand on est arrivés en Pologne on a commencé à respirer un tout petit mieux. C’était touchant, les femmes qui travaillaient dans l’hôtel ou on est restés, elles pleuraient pour nous. On a laissé notre voiture là-bas, et on a pris le train.

La guerre c’est vraiment un drame pour les gens. Toute ta vie tu travailles, toute ta vie tu essaies petit à petit de construire quelque chose : tu achètes un appartement, tu paies les impôts, tu construis comme ça ta vie, pierre par pierre. Et tout à coup, quelqu’un arrive et balaie tout. Et ça c’est vraiment un drame, c’est très dur à vivre. Même le mot de catastrophe ne suffit pas. Notre situation n’est pas simple. On attend qu’un jour cette guerre va se terminer. J’ai commencé à prendre des cours de français et je cherche du travail. Comme les Suisses nous ont beaucoup aidés, j’aimerais moi aussi contribuer à la société suisse en travaillant. Mais en attendant on est là et on essaie de s’intégrer pour vivre comme tout le monde. »

Publiée dans le cadre de la mini-série « Et puis la guerre a commencé… », réalisée en partenariat avec la Croix-Rouge genevoise. | Traduit de l’ukrainien

« Je suis né en Iran dans une famille assez libre et moderne. J’ai grandi avec la guerre Iran-Irak, et avec les nouvelles règles qui ont commencé en Iran. Donc l’atmosphère était très, très lourde. Mais ce n’est pas la faute des gens, c’est la faute du système. Tout le monde te pose des questions tout le temps. Y’avait tellement d’interdits. Quand je sortais voir une fille, par exemple, j’avais l’impression d’avoir fait quelque chose de grave, c’était super mal vu. C’était hyper pesant. Toute la culture était comme ça. Et avec mon caractère, je n’arrivais pas à accepter quelque chose qui te force. Mon pays ne progresse pas parce que le gouvernement écrase le peuple. Et pourtant c’est un pays avec tellement de richesses.

Depuis petit je voulais être médecin, mais le niveau des études supérieures est très difficile en Iran. Ma cousine habitait en Ukraine et mon père m’a dit d’aller là-bas pour les études. Je pense que j’aurais fait un bon médecin, mais le destin m’a amené ailleurs. Le jour où je suis arrivé en Ukraine et que je suis sorti de l’avion, j’ai senti l’air ukrainien et j’ai eu l’impression d’être chez moi. Il y avait une énergie tellement positive, je pouvais sentir la liberté, et je me suis senti à la maison. J’ai vite commencé à apprendre la langue pour trouver une copine, et en 3 mois je parlais déjà russe (rires) ! Mais j’ai aussi vite réalisé qu’au niveau des finances je ne pourrais pas étudier la médecine. Il fallait payer le logement, la nourriture, l’université pendant de longues années. Et ma famille n’arriverait pas à suivre.

J’avais quitté ma famille où le père décidait de tout, mais où j’étais en sécurité, et je me retrouvais ici seul et je devais me débrouiller. Mais j’ai aimé ça ! J’ai abandonné mon rêve de médecine et j’ai fait des études d’économie. Rapidement, j’ai commencé à gagner mon propre argent comme traducteur et je n’ai pas eu besoin de demander un centime à ma famille. Je parle farsi, turque, russe, ukrainien mais je traduisais principalement pour les Turcs, car il y avait beaucoup d’entreprises turques qui venaient d’arriver en Ukraine. Après ma première année en Ukraine, j’avais déjà pris la décision que je ne rentrerais pas en Iran. J’aime mon pays. La culture, l’histoire Iranienne est très ancienne. Le paysage est magnifique, et on a beaucoup de ressources naturelles. Mais la dernière fois que je suis rentré, l’atmosphère était tellement triste, à cause du système.

En Ukraine, je n’ai jamais eu de souci parce que j’étais Iranien. Si t’as de bonnes mains et une bonne tête, tu peux tout avoir, tu peux acheter une maison, te marier et avoir de beaux enfants. Y’a tout qui était possible en Ukraine. Personne ne demandait ta nationalité. Ils regardaient seulement comment tu es en tant qu’humain. Après quelques années j’ai rencontré ma femme, qui est ukrainienne et on a eu une fille. Avec ma belle-famille notre relation est juste super. Avec le temps on a prouvé avec ma femme qu’on a fait un bon choix, on a eu un bel enfant, on a bien progressé dans notre vie. Chaque week-end on sortait de la ville, profiter au bord de la rivière ou dans une forêt. En Ukraine ça te prend 2 minutes pour trouver un endroit magnifique et te relaxer tout de suite.

Fin janvier de cette année, c’était l’anniversaire de ma fille, et on est partis voyager en Egypte. La première chose qu’on a remarquée c’est que l’aéroport était vide… C’était la première fois qu’on voyait ça. On a commencé à comprendre que quelque chose de pas normal se préparait. Ma sœur m’a encouragé à partir en Turquie, mais je ne croyais pas à la guerre. Le 16 février déjà il y avait des embouteillages énormes à Kiev, les gens qui cherchaient à s’enfuir. Mais je n’y croyais toujours pas ! Y’avait pas de logique. Mais après j’ai compris qu’en Russie, il n’y a pas de logique. Puis le 24 on a été réveillés par une grosse explosion. Tout le monde a commencé à bouger, remplir les voitures, et partir. Et toutes les routes ont été vite bouchées. Honnêtement, je pensais que ça allait se régler rapidement. Ma femme ne réalisait pas non plus, et elle continuait à organiser des voyages touristiques pour ses clients.

Mais en un jour toute l’atmosphère a changé. Il y avait une suspicion générale, les gens se méfiaient et se demandaient si tu travaillais pour l’ennemi. Tu pouvais te faire contrôler dans la rue s’ils te trouvaient étrange. Ça devenait difficile de respirer… Au début y’a le stress qui explose mais après il faut se calmer et arriver à prendre des décisions. Et on a décidé de partir le lendemain matin vers Genève où ma sœur habitait. Il y avait beaucoup d’Ukrainiens sur la route qui nous donnaient à manger et à boire pour nous aider. Quand on est arrivés à la frontière avec la Pologne on est restés peut-être 18 heures à attendre. On a été très touchés par le peuple polonais, pour manger, pour les habits pour tout, on n’a même pas pensé que c’était possible. Mais y’a des gens qui sont partis sans valises sans rien. Et y’avait tout là-bas. Quand on est arrivés en Pologne on a commencé à respirer un tout petit mieux. C’était touchant, les femmes qui travaillaient dans l’hôtel ou on est restés, elles pleuraient pour nous. On a laissé notre voiture là-bas, et on a pris le train.

La guerre c’est vraiment un drame pour les gens. Toute ta vie tu travailles, toute ta vie tu essaies petit à petit de construire quelque chose : tu achètes un appartement, tu paies les impôts, tu construis comme ça ta vie, pierre par pierre. Et tout à coup, quelqu’un arrive et balaie tout. Et ça c’est vraiment un drame, c’est très dur à vivre. Même le mot de catastrophe ne suffit pas. Notre situation n’est pas simple. On attend qu’un jour cette guerre va se terminer. J’ai commencé à prendre des cours de français et je cherche du travail. Comme les Suisses nous ont beaucoup aidés, j’aimerais moi aussi contribuer à la société suisse en travaillant. Mais en attendant on est là et on essaie de s’intégrer pour vivre comme tout le monde. »

Publiée dans le cadre de la mini-série « Et puis la guerre a commencé… », réalisée en partenariat avec la Croix-Rouge genevoise. | Traduit de l’ukrainien

Publié le: 27 novembre 2023

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« Je suis né en Iran dans une famille assez libre et moderne. J’ai grandi avec la guerre Iran-Irak, et avec les nouvelles règles qui ont commencé en Iran. Donc l’atmosphère était très, très lourde. Mais ce n’est pas la faute des gens, c’est la faute du système. Tout le monde te pose des questions tout le temps. Y’avait tellement d’interdits. Quand je sortais voir une fille, par exemple, j’avais l’impression d’avoir fait quelque chose de grave, c’était super mal vu. C’était hyper pesant. Toute la culture était comme ça. Et avec mon caractère, je n’arrivais pas à accepter quelque chose qui te force. Mon pays ne progresse pas parce que le gouvernement écrase le peuple. Et pourtant c’est un pays avec tellement de richesses.

Depuis petit je voulais être médecin, mais le niveau des études supérieures est très difficile en Iran. Ma cousine habitait en Ukraine et mon père m’a dit d’aller là-bas pour les études. Je pense que j’aurais fait un bon médecin, mais le destin m’a amené ailleurs. Le jour où je suis arrivé en Ukraine et que je suis sorti de l’avion, j’ai senti l’air ukrainien et j’ai eu l’impression d’être chez moi. Il y avait une énergie tellement positive, je pouvais sentir la liberté, et je me suis senti à la maison. J’ai vite commencé à apprendre la langue pour trouver une copine, et en 3 mois je parlais déjà russe (rires) ! Mais j’ai aussi vite réalisé qu’au niveau des finances je ne pourrais pas étudier la médecine. Il fallait payer le logement, la nourriture, l’université pendant de longues années. Et ma famille n’arriverait pas à suivre.

J’avais quitté ma famille où le père décidait de tout, mais où j’étais en sécurité, et je me retrouvais ici seul et je devais me débrouiller. Mais j’ai aimé ça ! J’ai abandonné mon rêve de médecine et j’ai fait des études d’économie. Rapidement, j’ai commencé à gagner mon propre argent comme traducteur et je n’ai pas eu besoin de demander un centime à ma famille. Je parle farsi, turque, russe, ukrainien mais je traduisais principalement pour les Turcs, car il y avait beaucoup d’entreprises turques qui venaient d’arriver en Ukraine. Après ma première année en Ukraine, j’avais déjà pris la décision que je ne rentrerais pas en Iran. J’aime mon pays. La culture, l’histoire Iranienne est très ancienne. Le paysage est magnifique, et on a beaucoup de ressources naturelles. Mais la dernière fois que je suis rentré, l’atmosphère était tellement triste, à cause du système.

En Ukraine, je n’ai jamais eu de souci parce que j’étais Iranien. Si t’as de bonnes mains et une bonne tête, tu peux tout avoir, tu peux acheter une maison, te marier et avoir de beaux enfants. Y’a tout qui était possible en Ukraine. Personne ne demandait ta nationalité. Ils regardaient seulement comment tu es en tant qu’humain. Après quelques années j’ai rencontré ma femme, qui est ukrainienne et on a eu une fille. Avec ma belle-famille notre relation est juste super. Avec le temps on a prouvé avec ma femme qu’on a fait un bon choix, on a eu un bel enfant, on a bien progressé dans notre vie. Chaque week-end on sortait de la ville, profiter au bord de la rivière ou dans une forêt. En Ukraine ça te prend 2 minutes pour trouver un endroit magnifique et te relaxer tout de suite.

Fin janvier de cette année, c’était l’anniversaire de ma fille, et on est partis voyager en Egypte. La première chose qu’on a remarquée c’est que l’aéroport était vide… C’était la première fois qu’on voyait ça. On a commencé à comprendre que quelque chose de pas normal se préparait. Ma sœur m’a encouragé à partir en Turquie, mais je ne croyais pas à la guerre. Le 16 février déjà il y avait des embouteillages énormes à Kiev, les gens qui cherchaient à s’enfuir. Mais je n’y croyais toujours pas ! Y’avait pas de logique. Mais après j’ai compris qu’en Russie, il n’y a pas de logique. Puis le 24 on a été réveillés par une grosse explosion. Tout le monde a commencé à bouger, remplir les voitures, et partir. Et toutes les routes ont été vite bouchées. Honnêtement, je pensais que ça allait se régler rapidement. Ma femme ne réalisait pas non plus, et elle continuait à organiser des voyages touristiques pour ses clients.

Mais en un jour toute l’atmosphère a changé. Il y avait une suspicion générale, les gens se méfiaient et se demandaient si tu travaillais pour l’ennemi. Tu pouvais te faire contrôler dans la rue s’ils te trouvaient étrange. Ça devenait difficile de respirer… Au début y’a le stress qui explose mais après il faut se calmer et arriver à prendre des décisions. Et on a décidé de partir le lendemain matin vers Genève où ma sœur habitait. Il y avait beaucoup d’Ukrainiens sur la route qui nous donnaient à manger et à boire pour nous aider. Quand on est arrivés à la frontière avec la Pologne on est restés peut-être 18 heures à attendre. On a été très touchés par le peuple polonais, pour manger, pour les habits pour tout, on n’a même pas pensé que c’était possible. Mais y’a des gens qui sont partis sans valises sans rien. Et y’avait tout là-bas. Quand on est arrivés en Pologne on a commencé à respirer un tout petit mieux. C’était touchant, les femmes qui travaillaient dans l’hôtel ou on est restés, elles pleuraient pour nous. On a laissé notre voiture là-bas, et on a pris le train.

La guerre c’est vraiment un drame pour les gens. Toute ta vie tu travailles, toute ta vie tu essaies petit à petit de construire quelque chose : tu achètes un appartement, tu paies les impôts, tu construis comme ça ta vie, pierre par pierre. Et tout à coup, quelqu’un arrive et balaie tout. Et ça c’est vraiment un drame, c’est très dur à vivre. Même le mot de catastrophe ne suffit pas. Notre situation n’est pas simple. On attend qu’un jour cette guerre va se terminer. J’ai commencé à prendre des cours de français et je cherche du travail. Comme les Suisses nous ont beaucoup aidés, j’aimerais moi aussi contribuer à la société suisse en travaillant. Mais en attendant on est là et on essaie de s’intégrer pour vivre comme tout le monde. »

Publiée dans le cadre de la mini-série « Et puis la guerre a commencé… », réalisée en partenariat avec la Croix-Rouge genevoise. | Traduit de l’ukrainien

« Je suis né en Iran dans une famille assez libre et moderne. J’ai grandi avec la guerre Iran-Irak, et avec les nouvelles règles qui ont commencé en Iran. Donc l’atmosphère était très, très lourde. Mais ce n’est pas la faute des gens, c’est la faute du système. Tout le monde te pose des questions tout le temps. Y’avait tellement d’interdits. Quand je sortais voir une fille, par exemple, j’avais l’impression d’avoir fait quelque chose de grave, c’était super mal vu. C’était hyper pesant. Toute la culture était comme ça. Et avec mon caractère, je n’arrivais pas à accepter quelque chose qui te force. Mon pays ne progresse pas parce que le gouvernement écrase le peuple. Et pourtant c’est un pays avec tellement de richesses.

Depuis petit je voulais être médecin, mais le niveau des études supérieures est très difficile en Iran. Ma cousine habitait en Ukraine et mon père m’a dit d’aller là-bas pour les études. Je pense que j’aurais fait un bon médecin, mais le destin m’a amené ailleurs. Le jour où je suis arrivé en Ukraine et que je suis sorti de l’avion, j’ai senti l’air ukrainien et j’ai eu l’impression d’être chez moi. Il y avait une énergie tellement positive, je pouvais sentir la liberté, et je me suis senti à la maison. J’ai vite commencé à apprendre la langue pour trouver une copine, et en 3 mois je parlais déjà russe (rires) ! Mais j’ai aussi vite réalisé qu’au niveau des finances je ne pourrais pas étudier la médecine. Il fallait payer le logement, la nourriture, l’université pendant de longues années. Et ma famille n’arriverait pas à suivre.

J’avais quitté ma famille où le père décidait de tout, mais où j’étais en sécurité, et je me retrouvais ici seul et je devais me débrouiller. Mais j’ai aimé ça ! J’ai abandonné mon rêve de médecine et j’ai fait des études d’économie. Rapidement, j’ai commencé à gagner mon propre argent comme traducteur et je n’ai pas eu besoin de demander un centime à ma famille. Je parle farsi, turque, russe, ukrainien mais je traduisais principalement pour les Turcs, car il y avait beaucoup d’entreprises turques qui venaient d’arriver en Ukraine. Après ma première année en Ukraine, j’avais déjà pris la décision que je ne rentrerais pas en Iran. J’aime mon pays. La culture, l’histoire Iranienne est très ancienne. Le paysage est magnifique, et on a beaucoup de ressources naturelles. Mais la dernière fois que je suis rentré, l’atmosphère était tellement triste, à cause du système.

En Ukraine, je n’ai jamais eu de souci parce que j’étais Iranien. Si t’as de bonnes mains et une bonne tête, tu peux tout avoir, tu peux acheter une maison, te marier et avoir de beaux enfants. Y’a tout qui était possible en Ukraine. Personne ne demandait ta nationalité. Ils regardaient seulement comment tu es en tant qu’humain. Après quelques années j’ai rencontré ma femme, qui est ukrainienne et on a eu une fille. Avec ma belle-famille notre relation est juste super. Avec le temps on a prouvé avec ma femme qu’on a fait un bon choix, on a eu un bel enfant, on a bien progressé dans notre vie. Chaque week-end on sortait de la ville, profiter au bord de la rivière ou dans une forêt. En Ukraine ça te prend 2 minutes pour trouver un endroit magnifique et te relaxer tout de suite.

Fin janvier de cette année, c’était l’anniversaire de ma fille, et on est partis voyager en Egypte. La première chose qu’on a remarquée c’est que l’aéroport était vide… C’était la première fois qu’on voyait ça. On a commencé à comprendre que quelque chose de pas normal se préparait. Ma sœur m’a encouragé à partir en Turquie, mais je ne croyais pas à la guerre. Le 16 février déjà il y avait des embouteillages énormes à Kiev, les gens qui cherchaient à s’enfuir. Mais je n’y croyais toujours pas ! Y’avait pas de logique. Mais après j’ai compris qu’en Russie, il n’y a pas de logique. Puis le 24 on a été réveillés par une grosse explosion. Tout le monde a commencé à bouger, remplir les voitures, et partir. Et toutes les routes ont été vite bouchées. Honnêtement, je pensais que ça allait se régler rapidement. Ma femme ne réalisait pas non plus, et elle continuait à organiser des voyages touristiques pour ses clients.

Mais en un jour toute l’atmosphère a changé. Il y avait une suspicion générale, les gens se méfiaient et se demandaient si tu travaillais pour l’ennemi. Tu pouvais te faire contrôler dans la rue s’ils te trouvaient étrange. Ça devenait difficile de respirer… Au début y’a le stress qui explose mais après il faut se calmer et arriver à prendre des décisions. Et on a décidé de partir le lendemain matin vers Genève où ma sœur habitait. Il y avait beaucoup d’Ukrainiens sur la route qui nous donnaient à manger et à boire pour nous aider. Quand on est arrivés à la frontière avec la Pologne on est restés peut-être 18 heures à attendre. On a été très touchés par le peuple polonais, pour manger, pour les habits pour tout, on n’a même pas pensé que c’était possible. Mais y’a des gens qui sont partis sans valises sans rien. Et y’avait tout là-bas. Quand on est arrivés en Pologne on a commencé à respirer un tout petit mieux. C’était touchant, les femmes qui travaillaient dans l’hôtel ou on est restés, elles pleuraient pour nous. On a laissé notre voiture là-bas, et on a pris le train.

La guerre c’est vraiment un drame pour les gens. Toute ta vie tu travailles, toute ta vie tu essaies petit à petit de construire quelque chose : tu achètes un appartement, tu paies les impôts, tu construis comme ça ta vie, pierre par pierre. Et tout à coup, quelqu’un arrive et balaie tout. Et ça c’est vraiment un drame, c’est très dur à vivre. Même le mot de catastrophe ne suffit pas. Notre situation n’est pas simple. On attend qu’un jour cette guerre va se terminer. J’ai commencé à prendre des cours de français et je cherche du travail. Comme les Suisses nous ont beaucoup aidés, j’aimerais moi aussi contribuer à la société suisse en travaillant. Mais en attendant on est là et on essaie de s’intégrer pour vivre comme tout le monde. »

Publiée dans le cadre de la mini-série « Et puis la guerre a commencé… », réalisée en partenariat avec la Croix-Rouge genevoise. | Traduit de l’ukrainien

Publié le: 27 novembre 2023

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