« Quand on a basé toute sa confiance en soi sur une croyance spécifique dans l’intelligence, ou autre, le moment où le paysage intérieur s’effondre, ça devient compliqué. Comment est-ce qu’on vit avec soi-même ? Pour moi c’était important que je me sente supérieur, plus intelligent que d’autres. Pour ce que veut dire le mot intelligence, c’est-à-dire pas grand chose. J’avais pas besoin de faire beaucoup pour bien réussir à l’école, du coup y’avait une sorte d’illusion selon laquelle tout était facile pour moi, une sorte de mythologie du génie dans sa chambre qui n’a rien besoin de faire. Et de fait, ça a fonctionné pendant un petit moment.
On en arrive à la chute… Je suis arrivé au bac en me disant « c’est sûr que je vais avoir 18 sans rien faire ». Bon, ça s’est pas passé comme ça, évidemment, et là y’a eu une première désillusion. Puis je suis rentré à l’EPFL. J’ai raté la prépa intégrée, et ensuite j’ai raté ma première année. Ce qui fait que trois années successives j’étais mis en face du fait que, génie ou pas génie, j’avais quand même raté.
Pendant 7 ans à l’école d’architecture j’ai passé mon temps à essayer de convaincre les autres, pour percevoir dans leur regard l’image que je me faisais de moi-même. Ça m’a mis dans des états de détresses relativement avancés. Il y avait des moments où je lâchais tout pour me fuir moi-même et mon regard jugeant. Ça m’est arrivé de passer deux semaines sans sortir de ma chambre, en mangeant quasiment pas. Et faut assumer quand il faut réapparaitre dans le monde. Je me rappelle de moments tétanisants quand fallait re-rentrer dans une salle de cours, et justifier auprès de tout le monde qu’on a juste disparu. Ça m’est arrivé de rester 3 heures devant les portes.
Aujourd’hui je me retrouve dans une autre réalité sociale où les gens ne savent pas le chemin que j’ai parcouru. Et du coup la question qui m’est posée est : est-ce que j’ai envie de performer de la même manière ou non ? Ça c’est des moments intéressants. Je vois que j’ai du mal à sortir du rôle que j’ai toujours joué. Mais peut-être que pour la première fois je ne me sens plus dans la nécessité de reproduire ce personnage que je me suis créé pour moi-même. »
(Gare de Chêne-Bourg)
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« Quand on a basé toute sa confiance en soi sur une croyance spécifique dans l’intelligence, ou autre, le moment où le paysage intérieur s’effondre, ça devient compliqué. Comment est-ce qu’on vit avec soi-même ? Pour moi c’était important que je me sente supérieur, plus intelligent que d’autres. Pour ce que veut dire le mot intelligence, c’est-à-dire pas grand chose. J’avais pas besoin de faire beaucoup pour bien réussir à l’école, du coup y’avait une sorte d’illusion selon laquelle tout était facile pour moi, une sorte de mythologie du génie dans sa chambre qui n’a rien besoin de faire. Et de fait, ça a fonctionné pendant un petit moment.
On en arrive à la chute… Je suis arrivé au bac en me disant « c’est sûr que je vais avoir 18 sans rien faire ». Bon, ça s’est pas passé comme ça, évidemment, et là y’a eu une première désillusion. Puis je suis rentré à l’EPFL. J’ai raté la prépa intégrée, et ensuite j’ai raté ma première année. Ce qui fait que trois années successives j’étais mis en face du fait que, génie ou pas génie, j’avais quand même raté.
Pendant 7 ans à l’école d’architecture j’ai passé mon temps à essayer de convaincre les autres, pour percevoir dans leur regard l’image que je me faisais de moi-même. Ça m’a mis dans des états de détresses relativement avancés. Il y avait des moments où je lâchais tout pour me fuir moi-même et mon regard jugeant. Ça m’est arrivé de passer deux semaines sans sortir de ma chambre, en mangeant quasiment pas. Et faut assumer quand il faut réapparaitre dans le monde. Je me rappelle de moments tétanisants quand fallait re-rentrer dans une salle de cours, et justifier auprès de tout le monde qu’on a juste disparu. Ça m’est arrivé de rester 3 heures devant les portes.
Aujourd’hui je me retrouve dans une autre réalité sociale où les gens ne savent pas le chemin que j’ai parcouru. Et du coup la question qui m’est posée est : est-ce que j’ai envie de performer de la même manière ou non ? Ça c’est des moments intéressants. Je vois que j’ai du mal à sortir du rôle que j’ai toujours joué. Mais peut-être que pour la première fois je ne me sens plus dans la nécessité de reproduire ce personnage que je me suis créé pour moi-même. »
(Gare de Chêne-Bourg)