« Je ne me suis jamais marié. Non, c’était pas possible. Vu ma situation professionnelle, et… mon physique. Ici, il faut être grand, beau, avoir une belle situation, un gros salaire. Alors y’avait rien qui jouait. J’avais même répondu à des annonces dans les journaux à l’époque. Première chose qu’ils demandaient : « Vous avez quoi comme situation ? Ah bah non ! Surtout pas ça ! » Ah non, non, j’ai fait de la dépression. J’ai arrêté, ou j’allais finir par me suicider.
J’ose pas le dire… J’ai travaillé 30 ans à la boucherie Bel. Je faisais l’hiver aux Grisons, l’été au Tessin ou à Lausanne, et j’ai fini ici à la boucherie du Molard. Arrivé à 50 ans : trop vieux, trop cher… à la porte ! Et j’ai fini, comme dirait mon père, avec un p’tit boulot de 4 sous. C’était vraiment catastrophique. Puis à la retraite, on touche plus rien : 1700 francs, et y’a déjà plus de 1000 pour le loyer. Et j’ai un tout p’tit 2 pièces misérable. Enfin bon…
Ma passion c’était le sport. Je faisais beaucoup de montagne, de plongée, de vélo. Mais y’a 6 ans j’ai eu un accident de vélo ici, dans la côte qui monte à Vésenaz. Je descendais la piste cyclable, et y’a une dame qui montait à contre-sens. Et moi, comme un imbécile, j’ai fait un écart à gauche pour la laisser passer. Au même moment, un jeune arrivait avec sa voiture à plus de 80 à l’heure. Et il m’a shooté. Je me rappelle de rien. J’ai fait 1 semaine dans le coma profond, et 1 mois dans le coma artificiel. Et comme j’ai pas porté plainte, tout est à ma charge. Fracture de la malléole et de la clavicule, le rein et surtout le cerveau ont été touchés. Alors pour faire redémarrer le cerveau, je prends les mots fléchés tous les jours dans le 20min. Mais bon, je m’améliore pas.
J’ai des douleurs tout le temps. Ohlala… C’est 24 heures sur 24. Et je vis tout seul, alors je dois me débrouiller. Et qu’est-ce que ça va donner dans les années à venir ? C’est vraiment pénible d’en arriver-là. Plus de montagne… Je fais plus rien. C’est pénible de se dire que tout ça c’est fini. Faut pas trop y penser. J’essaie d’oublier. Quand je fais des mots fléchés je pense pas aux douleurs. Je vous dis, il faut s’occuper la tête, il faut s’occuper l’esprit. »
(Parc de La Grange)
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« Je ne me suis jamais marié. Non, c’était pas possible. Vu ma situation professionnelle, et… mon physique. Ici, il faut être grand, beau, avoir une belle situation, un gros salaire. Alors y’avait rien qui jouait. J’avais même répondu à des annonces dans les journaux à l’époque. Première chose qu’ils demandaient : « Vous avez quoi comme situation ? Ah bah non ! Surtout pas ça ! » Ah non, non, j’ai fait de la dépression. J’ai arrêté, ou j’allais finir par me suicider.
J’ose pas le dire… J’ai travaillé 30 ans à la boucherie Bel. Je faisais l’hiver aux Grisons, l’été au Tessin ou à Lausanne, et j’ai fini ici à la boucherie du Molard. Arrivé à 50 ans : trop vieux, trop cher… à la porte ! Et j’ai fini, comme dirait mon père, avec un p’tit boulot de 4 sous. C’était vraiment catastrophique. Puis à la retraite, on touche plus rien : 1700 francs, et y’a déjà plus de 1000 pour le loyer. Et j’ai un tout p’tit 2 pièces misérable. Enfin bon…
Ma passion c’était le sport. Je faisais beaucoup de montagne, de plongée, de vélo. Mais y’a 6 ans j’ai eu un accident de vélo ici, dans la côte qui monte à Vésenaz. Je descendais la piste cyclable, et y’a une dame qui montait à contre-sens. Et moi, comme un imbécile, j’ai fait un écart à gauche pour la laisser passer. Au même moment, un jeune arrivait avec sa voiture à plus de 80 à l’heure. Et il m’a shooté. Je me rappelle de rien. J’ai fait 1 semaine dans le coma profond, et 1 mois dans le coma artificiel. Et comme j’ai pas porté plainte, tout est à ma charge. Fracture de la malléole et de la clavicule, le rein et surtout le cerveau ont été touchés. Alors pour faire redémarrer le cerveau, je prends les mots fléchés tous les jours dans le 20min. Mais bon, je m’améliore pas.
J’ai des douleurs tout le temps. Ohlala… C’est 24 heures sur 24. Et je vis tout seul, alors je dois me débrouiller. Et qu’est-ce que ça va donner dans les années à venir ? C’est vraiment pénible d’en arriver-là. Plus de montagne… Je fais plus rien. C’est pénible de se dire que tout ça c’est fini. Faut pas trop y penser. J’essaie d’oublier. Quand je fais des mots fléchés je pense pas aux douleurs. Je vous dis, il faut s’occuper la tête, il faut s’occuper l’esprit. »
(Parc de La Grange)