« Le covid ça nous a…j’allais dire ça nous a tués. Pas autant que ça, j’exagère. Mais j’en suis sûr que sans le confinement, j’aurais du travail maintenant, et j’aurais un endroit où dormir. J’en suis sûr. Peut-être pas ici à Genève, mais à Annemasse ou à Annecy. Je crois qu’en ce moment la mesure du confinement c’est encore pire que la maladie. Sauf que les gens qui sont au pouvoir, ils n’ont pas nos problèmes et ils ne se rendent pas compte. La pauvreté, la dépression, tout ça, ça tue aussi. Si tu vois que tu peux pas nourrir ta famille tu deviens dépressif. Et ça c’est une maladie aussi. Ça te rend encore plus faible. J’ai parlé avec des gens qui m’ont dit : si ca continue comme ça je vais me tuer, je vais me mettre sur les voies de train.

Si tu habites dans la rue c’est encore pire. Ton humeur dépend beaucoup de la météo. Hier je voulais faire n’importe quelle connerie. Aujourd’hui ça va. Avant j’avais une maison, j’avais un travail, j’étais normal, comme tout le monde. Pas riche mais stable. Et il y a toujours des « up and down ». Mais pas comme dans cette situation. Dans cette situation, c’est très haut ou très bas. Surtout des bas. Les hauts c’est plus difficile. Mais quand tu vas en bas, tu tombes bien en bas.

J’ai vu des personnes se dégrader avec le temps. Des gens qui étaient très positifs, qui disaient : je vais trouver un travail, je vais m’en sortir, etc. Et maintenant on est de plus en plus négatifs, on n’a plus d’espoir pour nous. C’est pour ça aussi que je n’ai pas vraiment fait d’amis. C’est pour ça qu’on fait chacun notre truc. Parce que c’est difficile de discuter entre nous, c’est toujours pour se plaindre, et on ne parle que de ça.

Et quand tu es dans la rue, avec le froid et tout, ce qui est difficile c’est que tu dois essayer de ressentir le moins de choses possible. Tu dois essayer de pas sentir d’émotions. C’est difficile à expliquer. J’avais un ami qui était à la caserne des Vernets avec nous pendant l’hiver. Il nous appelait les « walking dead ». Parce que l’hiver on doit aussi sortir à 8h le matin et on peut revenir qu’à 8h le soir. Et normalement il y a des églises ou des bibliothèques ou le Caré où on peut rester au chaud. Mais avec le confinement c’était fermé. Alors on marchait comme ça dans la rue pendant toute la journée. Il y avait presque que nous dans la rue. On était comme les walking dead. »

(Parc des Bastions)

Publié le: 7 septembre 2020

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« Le covid ça nous a…j’allais dire ça nous a tués. Pas autant que ça, j’exagère. Mais j’en suis sûr que sans le confinement, j’aurais du travail maintenant, et j’aurais un endroit où dormir. J’en suis sûr. Peut-être pas ici à Genève, mais à Annemasse ou à Annecy. Je crois qu’en ce moment la mesure du confinement c’est encore pire que la maladie. Sauf que les gens qui sont au pouvoir, ils n’ont pas nos problèmes et ils ne se rendent pas compte. La pauvreté, la dépression, tout ça, ça tue aussi. Si tu vois que tu peux pas nourrir ta famille tu deviens dépressif. Et ça c’est une maladie aussi. Ça te rend encore plus faible. J’ai parlé avec des gens qui m’ont dit : si ca continue comme ça je vais me tuer, je vais me mettre sur les voies de train.

Si tu habites dans la rue c’est encore pire. Ton humeur dépend beaucoup de la météo. Hier je voulais faire n’importe quelle connerie. Aujourd’hui ça va. Avant j’avais une maison, j’avais un travail, j’étais normal, comme tout le monde. Pas riche mais stable. Et il y a toujours des « up and down ». Mais pas comme dans cette situation. Dans cette situation, c’est très haut ou très bas. Surtout des bas. Les hauts c’est plus difficile. Mais quand tu vas en bas, tu tombes bien en bas.

J’ai vu des personnes se dégrader avec le temps. Des gens qui étaient très positifs, qui disaient : je vais trouver un travail, je vais m’en sortir, etc. Et maintenant on est de plus en plus négatifs, on n’a plus d’espoir pour nous. C’est pour ça aussi que je n’ai pas vraiment fait d’amis. C’est pour ça qu’on fait chacun notre truc. Parce que c’est difficile de discuter entre nous, c’est toujours pour se plaindre, et on ne parle que de ça.

Et quand tu es dans la rue, avec le froid et tout, ce qui est difficile c’est que tu dois essayer de ressentir le moins de choses possible. Tu dois essayer de pas sentir d’émotions. C’est difficile à expliquer. J’avais un ami qui était à la caserne des Vernets avec nous pendant l’hiver. Il nous appelait les « walking dead ». Parce que l’hiver on doit aussi sortir à 8h le matin et on peut revenir qu’à 8h le soir. Et normalement il y a des églises ou des bibliothèques ou le Caré où on peut rester au chaud. Mais avec le confinement c’était fermé. Alors on marchait comme ça dans la rue pendant toute la journée. Il y avait presque que nous dans la rue. On était comme les walking dead. »

(Parc des Bastions)

Publié le: 7 septembre 2020

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