Partie 1/2
« J’ai habité ce qu’on appelle maintenant Aïre-Le Lignon. C’était la rase campagne, des champs de culture. Y’avait surtout une immense porcherie, et tous les jours à 17 heures on entendait les cochons crier parce qu’on venait leur donner à manger. Nous on habitait tout près, dans une petite maison vraiment très rudimentaire. On avait de l’eau courante, mais pas d’eau chaude. On n’avait pas de salle de bain, on se lavait à la cuvette dans la cuisine. C’étaient des pièces en enfilade, des bouts de trucs que mon père rajoutait chaque fois qu’il y avait un gamin en plus. Y’avait pas une fenêtre qui était pareille, pas les mêmes volets.
Mon père était vulcanisateur et son atelier était en face de l’école des Eaux-Vives, sous l’arcade. Mais l’argent manquait à la maison le 15 du mois, et on allait inscrire sur le carnet à l’épicerie. Dès que le salaire arrivait à la fin du mois il fallait payer les 15 jours de retard. C’était un cercle vicieux… pendant des années ! On n’a pas eu une vie de famille heureuse. Ma mère était alcoolique, et mes parents se tapaient dessus. Je peux dire que dans mon enfance, y’a une période où elle était bourrée 5 jours sur 7. Mon père il arrivait du travail à midi et y’avait rien sur la table. Ça commençait à crier, à s’insulter, et puis après ça se tapait dessus. Ça durait plusieurs jours, puis nous les gamins on était entre les deux. Mon père ne buvait pas, mais quand il avait un p’tit verre, ce qui était très rare, là, il avait l’alcool mauvais. Comme j’étais l’aînée, je prenais mes frères et je les enfermais dans ma chambre.
Je cachais quand même ma condition, y’avait personne qui venait chez nous. J’avais honte parce que j’étais tout à fait consciente que chez moi c’était pas normal. J’avais trop honte de savoir si ma mère allait se retrouver ivre à la maison, ou un truc comme ça. J’avais des amis qui habitaient de belles villas, ils partaient en vacances, les enfants étaient bien habillés. J’allais souvent chez eux après l’école et je me rendais bien compte que c’était chez eux que c’était normal. Rien que pour ça je ne voudrais pas revenir sur cette planète. Si c’est pour tomber sur des parents comme ça, non merci. »
(Parc La Grange)
Partie 2/2
« Cette condition d’alcoolisme me perturbait beaucoup. J’avais plus envie d’être chez moi, je supportais plus cette ambiance. J’avais qu’une idée c’était de m’en aller. Donc j’ai commencé à économiser, et à 23 ans je suis partie de la maison. J’avais mon petit appartement 2 pièces. J’étais enfin chez moi, j’entendais plus crier. Ça c’était important. Et d’ailleurs maintenant je suis restée très sensible au bruit. J’ai fait des malaises au travail à cause de gens qui se disputaient. Comme quoi les parents qui maltraitent les enfants, ils se rendent pas compte que le traumatisme c’est à vie.
J’avais peut-être une bonne vingtaine d’années quand je me suis dit à propos de ma mère « quand même, elle a eu une triste vie, elle a rien profité ». Les femmes à l’époque elles sortaient pas. Il fallait qu’elles restent à la maison pour tricoter les pullovers, ou apprendre la cuisine. Mais par contre c’était une femme qui était généreuse avec ses enfants, avec les moyens qu’on pouvait avoir à l’époque. Elle faisait de son mieux.
Tout le monde me dit que je m’en suis vraiment bien tirée. J’ai le même caractère indépendant que mon père. Ça fait 39 ans que j’ai divorcé. J’ai eu des compagnons et tout… mais moi j’aime mieux un p’tit chez moi qu’un grand chez les autres ! Je me suffis, je suis bien seule. J’ai pas de manque, je suis pas envieuse. Ça simplifie drôlement les relations. Mes amis ce sont de vrais amis. J’ai pas beaucoup, mais ça me suffit parce que je vis simplement. Je me lamente pas sur mon sort : j’ai, tant mieux, j’ai pas, tant pis. Ça sert à rien de vous tournebouler l’estomac parce que vous avez pas quelque chose.
Y’a des copines des fois elles me disent « t’es vachement dure ». Mais avec mon vécu, j’ai plus envie d’entendre des pleurnicheries. On fait la part des choses quand on a un vécu comme ça. Vous savez, je suis quelqu’un qui ne connaît pas les psy. Quand ça va pas, c’est le sac à dos, et je vais marcher dans la montagne. Puis si je suis vraiment toute seule je hurle « ouaaah ! ». Vous libérez ça ! Et puis quand vous voyez cette beauté, les fleurs… ça me soigne. C’est un bien-être qui me vide complètement la tête. »
(Parc La Grange)
Partie 1/2
« J’ai habité ce qu’on appelle maintenant Aïre-Le Lignon. C’était la rase campagne, des champs de culture. Y’avait surtout une immense porcherie, et tous les jours à 17 heures on entendait les cochons crier parce qu’on venait leur donner à manger. Nous on habitait tout près, dans une petite maison vraiment très rudimentaire. On avait de l’eau courante, mais pas d’eau chaude. On n’avait pas de salle de bain, on se lavait à la cuvette dans la cuisine. C’étaient des pièces en enfilade, des bouts de trucs que mon père rajoutait chaque fois qu’il y avait un gamin en plus. Y’avait pas une fenêtre qui était pareille, pas les mêmes volets.
Mon père était vulcanisateur et son atelier était en face de l’école des Eaux-Vives, sous l’arcade. Mais l’argent manquait à la maison le 15 du mois, et on allait inscrire sur le carnet à l’épicerie. Dès que le salaire arrivait à la fin du mois il fallait payer les 15 jours de retard. C’était un cercle vicieux… pendant des années ! On n’a pas eu une vie de famille heureuse. Ma mère était alcoolique, et mes parents se tapaient dessus. Je peux dire que dans mon enfance, y’a une période où elle était bourrée 5 jours sur 7. Mon père il arrivait du travail à midi et y’avait rien sur la table. Ça commençait à crier, à s’insulter, et puis après ça se tapait dessus. Ça durait plusieurs jours, puis nous les gamins on était entre les deux. Mon père ne buvait pas, mais quand il avait un p’tit verre, ce qui était très rare, là, il avait l’alcool mauvais. Comme j’étais l’aînée, je prenais mes frères et je les enfermais dans ma chambre.
Je cachais quand même ma condition, y’avait personne qui venait chez nous. J’avais honte parce que j’étais tout à fait consciente que chez moi c’était pas normal. J’avais trop honte de savoir si ma mère allait se retrouver ivre à la maison, ou un truc comme ça. J’avais des amis qui habitaient de belles villas, ils partaient en vacances, les enfants étaient bien habillés. J’allais souvent chez eux après l’école et je me rendais bien compte que c’était chez eux que c’était normal. Rien que pour ça je ne voudrais pas revenir sur cette planète. Si c’est pour tomber sur des parents comme ça, non merci. »
(Parc La Grange)
Partie 2/2
« Cette condition d’alcoolisme me perturbait beaucoup. J’avais plus envie d’être chez moi, je supportais plus cette ambiance. J’avais qu’une idée c’était de m’en aller. Donc j’ai commencé à économiser, et à 23 ans je suis partie de la maison. J’avais mon petit appartement 2 pièces. J’étais enfin chez moi, j’entendais plus crier. Ça c’était important. Et d’ailleurs maintenant je suis restée très sensible au bruit. J’ai fait des malaises au travail à cause de gens qui se disputaient. Comme quoi les parents qui maltraitent les enfants, ils se rendent pas compte que le traumatisme c’est à vie.
J’avais peut-être une bonne vingtaine d’années quand je me suis dit à propos de ma mère « quand même, elle a eu une triste vie, elle a rien profité ». Les femmes à l’époque elles sortaient pas. Il fallait qu’elles restent à la maison pour tricoter les pullovers, ou apprendre la cuisine. Mais par contre c’était une femme qui était généreuse avec ses enfants, avec les moyens qu’on pouvait avoir à l’époque. Elle faisait de son mieux.
Tout le monde me dit que je m’en suis vraiment bien tirée. J’ai le même caractère indépendant que mon père. Ça fait 39 ans que j’ai divorcé. J’ai eu des compagnons et tout… mais moi j’aime mieux un p’tit chez moi qu’un grand chez les autres ! Je me suffis, je suis bien seule. J’ai pas de manque, je suis pas envieuse. Ça simplifie drôlement les relations. Mes amis ce sont de vrais amis. J’ai pas beaucoup, mais ça me suffit parce que je vis simplement. Je me lamente pas sur mon sort : j’ai, tant mieux, j’ai pas, tant pis. Ça sert à rien de vous tournebouler l’estomac parce que vous avez pas quelque chose.
Y’a des copines des fois elles me disent « t’es vachement dure ». Mais avec mon vécu, j’ai plus envie d’entendre des pleurnicheries. On fait la part des choses quand on a un vécu comme ça. Vous savez, je suis quelqu’un qui ne connaît pas les psy. Quand ça va pas, c’est le sac à dos, et je vais marcher dans la montagne. Puis si je suis vraiment toute seule je hurle « ouaaah ! ». Vous libérez ça ! Et puis quand vous voyez cette beauté, les fleurs… ça me soigne. C’est un bien-être qui me vide complètement la tête. »
(Parc La Grange)
Partagez sur :
Partie 1/2
« J’ai habité ce qu’on appelle maintenant Aïre-Le Lignon. C’était la rase campagne, des champs de culture. Y’avait surtout une immense porcherie, et tous les jours à 17 heures on entendait les cochons crier parce qu’on venait leur donner à manger. Nous on habitait tout près, dans une petite maison vraiment très rudimentaire. On avait de l’eau courante, mais pas d’eau chaude. On n’avait pas de salle de bain, on se lavait à la cuvette dans la cuisine. C’étaient des pièces en enfilade, des bouts de trucs que mon père rajoutait chaque fois qu’il y avait un gamin en plus. Y’avait pas une fenêtre qui était pareille, pas les mêmes volets.
Mon père était vulcanisateur et son atelier était en face de l’école des Eaux-Vives, sous l’arcade. Mais l’argent manquait à la maison le 15 du mois, et on allait inscrire sur le carnet à l’épicerie. Dès que le salaire arrivait à la fin du mois il fallait payer les 15 jours de retard. C’était un cercle vicieux… pendant des années ! On n’a pas eu une vie de famille heureuse. Ma mère était alcoolique, et mes parents se tapaient dessus. Je peux dire que dans mon enfance, y’a une période où elle était bourrée 5 jours sur 7. Mon père il arrivait du travail à midi et y’avait rien sur la table. Ça commençait à crier, à s’insulter, et puis après ça se tapait dessus. Ça durait plusieurs jours, puis nous les gamins on était entre les deux. Mon père ne buvait pas, mais quand il avait un p’tit verre, ce qui était très rare, là, il avait l’alcool mauvais. Comme j’étais l’aînée, je prenais mes frères et je les enfermais dans ma chambre.
Je cachais quand même ma condition, y’avait personne qui venait chez nous. J’avais honte parce que j’étais tout à fait consciente que chez moi c’était pas normal. J’avais trop honte de savoir si ma mère allait se retrouver ivre à la maison, ou un truc comme ça. J’avais des amis qui habitaient de belles villas, ils partaient en vacances, les enfants étaient bien habillés. J’allais souvent chez eux après l’école et je me rendais bien compte que c’était chez eux que c’était normal. Rien que pour ça je ne voudrais pas revenir sur cette planète. Si c’est pour tomber sur des parents comme ça, non merci. »
(Parc La Grange)
Partie 2/2
« Cette condition d’alcoolisme me perturbait beaucoup. J’avais plus envie d’être chez moi, je supportais plus cette ambiance. J’avais qu’une idée c’était de m’en aller. Donc j’ai commencé à économiser, et à 23 ans je suis partie de la maison. J’avais mon petit appartement 2 pièces. J’étais enfin chez moi, j’entendais plus crier. Ça c’était important. Et d’ailleurs maintenant je suis restée très sensible au bruit. J’ai fait des malaises au travail à cause de gens qui se disputaient. Comme quoi les parents qui maltraitent les enfants, ils se rendent pas compte que le traumatisme c’est à vie.
J’avais peut-être une bonne vingtaine d’années quand je me suis dit à propos de ma mère « quand même, elle a eu une triste vie, elle a rien profité ». Les femmes à l’époque elles sortaient pas. Il fallait qu’elles restent à la maison pour tricoter les pullovers, ou apprendre la cuisine. Mais par contre c’était une femme qui était généreuse avec ses enfants, avec les moyens qu’on pouvait avoir à l’époque. Elle faisait de son mieux.
Tout le monde me dit que je m’en suis vraiment bien tirée. J’ai le même caractère indépendant que mon père. Ça fait 39 ans que j’ai divorcé. J’ai eu des compagnons et tout… mais moi j’aime mieux un p’tit chez moi qu’un grand chez les autres ! Je me suffis, je suis bien seule. J’ai pas de manque, je suis pas envieuse. Ça simplifie drôlement les relations. Mes amis ce sont de vrais amis. J’ai pas beaucoup, mais ça me suffit parce que je vis simplement. Je me lamente pas sur mon sort : j’ai, tant mieux, j’ai pas, tant pis. Ça sert à rien de vous tournebouler l’estomac parce que vous avez pas quelque chose.
Y’a des copines des fois elles me disent « t’es vachement dure ». Mais avec mon vécu, j’ai plus envie d’entendre des pleurnicheries. On fait la part des choses quand on a un vécu comme ça. Vous savez, je suis quelqu’un qui ne connaît pas les psy. Quand ça va pas, c’est le sac à dos, et je vais marcher dans la montagne. Puis si je suis vraiment toute seule je hurle « ouaaah ! ». Vous libérez ça ! Et puis quand vous voyez cette beauté, les fleurs… ça me soigne. C’est un bien-être qui me vide complètement la tête. »
(Parc La Grange)
Partie 1/2
« J’ai habité ce qu’on appelle maintenant Aïre-Le Lignon. C’était la rase campagne, des champs de culture. Y’avait surtout une immense porcherie, et tous les jours à 17 heures on entendait les cochons crier parce qu’on venait leur donner à manger. Nous on habitait tout près, dans une petite maison vraiment très rudimentaire. On avait de l’eau courante, mais pas d’eau chaude. On n’avait pas de salle de bain, on se lavait à la cuvette dans la cuisine. C’étaient des pièces en enfilade, des bouts de trucs que mon père rajoutait chaque fois qu’il y avait un gamin en plus. Y’avait pas une fenêtre qui était pareille, pas les mêmes volets.
Mon père était vulcanisateur et son atelier était en face de l’école des Eaux-Vives, sous l’arcade. Mais l’argent manquait à la maison le 15 du mois, et on allait inscrire sur le carnet à l’épicerie. Dès que le salaire arrivait à la fin du mois il fallait payer les 15 jours de retard. C’était un cercle vicieux… pendant des années ! On n’a pas eu une vie de famille heureuse. Ma mère était alcoolique, et mes parents se tapaient dessus. Je peux dire que dans mon enfance, y’a une période où elle était bourrée 5 jours sur 7. Mon père il arrivait du travail à midi et y’avait rien sur la table. Ça commençait à crier, à s’insulter, et puis après ça se tapait dessus. Ça durait plusieurs jours, puis nous les gamins on était entre les deux. Mon père ne buvait pas, mais quand il avait un p’tit verre, ce qui était très rare, là, il avait l’alcool mauvais. Comme j’étais l’aînée, je prenais mes frères et je les enfermais dans ma chambre.
Je cachais quand même ma condition, y’avait personne qui venait chez nous. J’avais honte parce que j’étais tout à fait consciente que chez moi c’était pas normal. J’avais trop honte de savoir si ma mère allait se retrouver ivre à la maison, ou un truc comme ça. J’avais des amis qui habitaient de belles villas, ils partaient en vacances, les enfants étaient bien habillés. J’allais souvent chez eux après l’école et je me rendais bien compte que c’était chez eux que c’était normal. Rien que pour ça je ne voudrais pas revenir sur cette planète. Si c’est pour tomber sur des parents comme ça, non merci. »
(Parc La Grange)
Partie 2/2
« Cette condition d’alcoolisme me perturbait beaucoup. J’avais plus envie d’être chez moi, je supportais plus cette ambiance. J’avais qu’une idée c’était de m’en aller. Donc j’ai commencé à économiser, et à 23 ans je suis partie de la maison. J’avais mon petit appartement 2 pièces. J’étais enfin chez moi, j’entendais plus crier. Ça c’était important. Et d’ailleurs maintenant je suis restée très sensible au bruit. J’ai fait des malaises au travail à cause de gens qui se disputaient. Comme quoi les parents qui maltraitent les enfants, ils se rendent pas compte que le traumatisme c’est à vie.
J’avais peut-être une bonne vingtaine d’années quand je me suis dit à propos de ma mère « quand même, elle a eu une triste vie, elle a rien profité ». Les femmes à l’époque elles sortaient pas. Il fallait qu’elles restent à la maison pour tricoter les pullovers, ou apprendre la cuisine. Mais par contre c’était une femme qui était généreuse avec ses enfants, avec les moyens qu’on pouvait avoir à l’époque. Elle faisait de son mieux.
Tout le monde me dit que je m’en suis vraiment bien tirée. J’ai le même caractère indépendant que mon père. Ça fait 39 ans que j’ai divorcé. J’ai eu des compagnons et tout… mais moi j’aime mieux un p’tit chez moi qu’un grand chez les autres ! Je me suffis, je suis bien seule. J’ai pas de manque, je suis pas envieuse. Ça simplifie drôlement les relations. Mes amis ce sont de vrais amis. J’ai pas beaucoup, mais ça me suffit parce que je vis simplement. Je me lamente pas sur mon sort : j’ai, tant mieux, j’ai pas, tant pis. Ça sert à rien de vous tournebouler l’estomac parce que vous avez pas quelque chose.
Y’a des copines des fois elles me disent « t’es vachement dure ». Mais avec mon vécu, j’ai plus envie d’entendre des pleurnicheries. On fait la part des choses quand on a un vécu comme ça. Vous savez, je suis quelqu’un qui ne connaît pas les psy. Quand ça va pas, c’est le sac à dos, et je vais marcher dans la montagne. Puis si je suis vraiment toute seule je hurle « ouaaah ! ». Vous libérez ça ! Et puis quand vous voyez cette beauté, les fleurs… ça me soigne. C’est un bien-être qui me vide complètement la tête. »
(Parc La Grange)